• 1er Août 2006
    L'économie, 46 ans après l'indépendance...

    De 1960 à aujourd'hui, l'économie béninoise a traversé toutes les péripéties que l'esprit humain puisse imaginer. Avec des dirigeants peu patriotes et très irrespectueux de la chose publique, le Bénin a du mal à amorcer son développement économique. Un bilan à mi-parcours permet de se rendre compte que les conditions idéales pour un développement harmonieux et durable des populations béninoises sont loin d'être réunies.

    Christophe D. ASSOGBA

    Aujourd'hui, l'économie béninoise marche à reculons, mais sa démographie est galopante. La population du Bénin est estimée maintenant à 7 millions d'habitants. Mais le taux de croissance est de 3,1%/an. S'agissant de l'urbanisation, sa courbe également est en progression. De 533.216 habitants en 1992, la ville de Cotonou abrite à cette date près d'un million d'habitants. Ce boom démographique est dû au fait que le taux de natalité et de mortalité est encore élevé. Conséquence immédiate : difficultés de subsistance des populations. Il se trouve malheureusement que la croissance des ressources disponibles devant contribuer au bien-être social et au développement ne suit pas le rythme sans cesse vertigineux de la démographie. Même si le PIB par habitant qui permet d'apprécier les efforts de création des richesses est de 397 dollars en 1998 et que l'agriculture contribue à 39% ce PIB et assure le revenu de près de 80% de la population, il n'en demeure pas moins que nous sommes en présence d'un secteur peu productif. Le pays n'est donc pas autosuffisant sur le plan alimentaire. Il est vrai que le dynamisme du secteur primaire permet de plus en plus l'augmentation de la production vivrière. Qu'importe ! L'agriculture béninoise n'est toujours pas rentable dans un environnement économique très difficile et concurrentiel avec en point de mire les conditions de travail difficiles des paysans. La situation au niveau du secteur secondaire est encore plus critique. Ce secteur demeure le parent pauvre de l'économie béninoise. Il ne peut en être autrement lorsqu'on sait que dans la cadre de la libéralisation de l'économie et de la relance du secteur privé, beaucoup de sociétés étatiques ont été privatisées ou cédées à des intérêts européens notamment français. C'est le cas de la Société béninoise de brasserie (Sobebra) et de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers (Sonacop). D'autres sont en cours de privatisation. Sur la liste se trouve la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra). En clair, le secteur secondaire qui devrait induire la croissance économique est embryonnaire et ses capacités sont sous-utilisées. A cela s'ajoutent les difficultés d'écoulement de la maigre production en raison de la non-compétitivité des produits. Le visage des unités industrielles béninoises n'est pas reluisante. Sa contribution au PIB est aujourd'hui de 14%. En ce qui concerne le secteur tertiaire, il contribue annuellement pour 47% du PIB. Il faut reconnaître qu'il est toujours prépondérant. Mais prudence ! A ce niveau là, tout ne va pas pour le mieux. Les exportations et les importations augmentent à un rythme très inégal au détriment des exportations qui sont pourtant sources de rentrées de devises pour le pays. Mais les activités commerciales se concentrent plus dans l'informel. Ce qui occasionne des manques à gagner à l'Etat.

    Infrastructures toujours insuffisantes et inadaptées

    Le constat fait au niveau des infrastructures n'est pas reluisant non plus. Dans tout processus de développement, les infrastructures de base représentent le socle de l'économie. A preuve, le réseau routier béninois est composé d'environ 7500 km de routes dont 13% sont bitumées. Un programme d'amélioration du réseau routier est en cours. En plus, le pays ne dispose que de 635 km de voies ferrées dont seulement 438 km reliant Cotonou à Parakou sont en activité. Leur vétusté n'est plus à démontrer. Pour la plupart, elles datent de l'époque coloniale et sont mal entretenues. Quant au transport maritime, il permet d'avoir quelques motifs de satisfaction avec un port artificiel en eau profonde qui comporte trois quais dont un principal de 1800 m. L'ensemble est abrité par une digue de 1424m. En 1998, le port de Cotonou a manipulé 1.887.000 tonnes de marchandises en direction surtout des pays de l'hinterland (Niger, Burkina Faso, Mali). Malgré sa capacité d'accueil de l'ordre de 2 millions de tonnes, le port souffre du même mal que les autres sous-secteurs des transports, l'insuffisance des infrastructures et du personnel. Le transport aérien est l'un des plus viables au Bénin. Mais le seul aéroport de classe internationale qui dispose d'une piste de 2400 m pouvant recevoir les longs courriers comporte huit pistes d'atterrissage mal entretenus.

    Energie, eau et infrastructures socio-administratives

    L'énergie consommée au Bénin provient en grande partie du barrage électrique de Nangbéto dont la production totale en 1998 est de 5millions de KWh. Ce barrage n'appartient pas qu'au Bénin. C'est une initiative conjointe entre le Bénin et le Togo. Le reste des besoins en électricité est donc comblé en importation du Ghana, du Nigeria et des centrales thermiques. En 1998, la production et les achats d'énergie électrique se sont élevés à 298.210.000 KWh. A ce jour, 100% des hydrocarbures et 90% de l'électricité sont importés. Ce qui constitue une lourde charge pour l'économie. Dans le domaine socio-administratif, les problèmes sont nombreux. Comment comprendre qu'en 46 ans d'indépendance, seulement environ 4000 écoles primaires, 200 établissements d'enseignement secondaire, une trentaine d'établissements d'enseignement technique et professionnel et une vingtaine d'établissements supérieurs (répartis entre deux universités : université d'Abomey-Calavi et de Parakou) ont pu être réalisés ?
    Il en va de même pour le secteur sanitaire : les localités reculées du pays ne disposent pas d'hôpitaux digne du nom. Le personnel de santé est globalement insuffisant. Mais on tend vers 1 médecin pour 10.000 habitants prévu par l'Organisation Mondiale de la Santé. En ce qui concerne le taux d'alphabétisation des adultes, il est aujourd'hui de 35,5%. Pour ce qui est de l'habitat, il faut reconnaître que l'Etat ne s'en préoccupe pas comme il se doit. Ce qui fait qu'on note une absence de plan d'urbanisation d'où des lotissements anarchiques des domaines fonciers, l'apparition de bidonvilles et la pollution de l'environnement. Aujourd'hui Cotonou fait partie des villes les plus polluées de l'Afrique de l'Ouest. En somme, il faut admettre que le niveau de vie à un peu évolué en dépit de la pauvreté ambiante. A cette date, 50 habitants et 40 sur 10 .000 disposent respectivement d'une voiture, d'un poste téléviseur et d'un téléphone.
    Au regard de tout ce qui précède, il faut reconnaître que pour que l'économie béninoise sorte de ses sentiers battus, il faut impérativement un changement de mentalités des dirigeants béninois et de tout le peuple et une réelle volonté politique. Il faut aussi une prise de conscience généralisée de tous les décideurs politiques et de la société civile pour donner un nouveau souffle à l'économie. Lorsque ces conditions seront réunies, les Béninois pourront fêter les années à venir l'accession de leur pays à la souveraineté internationale avec de réels motifs de fierté et de dignité. Au travail donc pour vaincre la fatalité !


    * Article paru dans le numéro spécial du quotidien Evénement Précis, consacré à la fête de l'indépendance



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  • Editorial

    46 ans de péchés

    1er Août 1960- 1er Août 2006. Mardi prochain, le Bénin indépendant aura exactement 46 ans. A cet âge, un homme qui n'a pas pu se réaliser doit s'avouer vaincu par le sort. Heureusement, ce qui est vrai d'un homme ne l'est pas forcément d'un pays. Un homme a une durée de vie courte alors qu'une nation ou un pays qui n'est pas ravagé par la guerre est destiné à une existence indéterminée voire éternelle. C'est pourquoi 46 ans après l'accession à la souveraineté internationale, on peut encore espérer qu'en dépit de son retard, le Bénin va retrouver la voie du développement. Peut-être a-t-il commencé avec l'avènement du Dr Thomas Boni Yayi à la tête du pays. La réalité est que depuis le 1er Août 1960, sans risque de se tromper, beaucoup de Béninois ont déchanté. Ils sont nombreux les Béninois qui ont commencé par exercer leurs activités à l'aube de l'indépendance avec l'illusion du bonheur garanti. Ils sont admis à la retraite totalement dépités, le rêve brisé. Sans avoir peut-être pu rien réaliser pour leurs nombreuses progénitures. Ils sont nombreux les enfants de l'indépendance. Il s'agit des Béninois nés au lendemain de l'accession à la souveraineté internationale. Leurs parents avaient rêvé avoir donné naissance à des enfants qui vaudront mieux qu'eux parce que libérés de l'exploitation du colonisateur. Aujourd'hui, beaucoup d'entre eux sont encore à la quête d'un mieux-être qui finit devant eux. En somme le bilan des 46 ans d'indépendance, n'est pas du tout rose. Au lendemain de la conférence nationale, nous avons pensé avec Albert Tévoédjrè que nous avons vaincu la fatalité. Mais rien n'a véritablement changé. Le Bénin, pays pauvre très endettés, se cherche toujours dans le concert des nations modernes. Il faut reconnaître que si la situation demeure comme cela, c'est la faute de tous et non de la fatalité. Mais surtout des politiciens qui brillent dans les coups bas et la transhumance. Pour des raisons d'intérêt égoïstes les alliances politiques se font et se défont au grand désarroi des populations. Certes, le Bénin est un exemple aujourd'hui en matière de démocratie. Mais de graves imperfections subsistent qui constituent des handicaps de taille au développement du pays. Ce qui fait que la pauvreté est ambiante. La majorité de la population ne bénéficie pas du fruit de l'exploitation des ressources du pays. Ce mardi fera donc 46 ans de péchés contre les plus pauvres que l'on a enfoncés dans la boue de la misère.

    christophr D ASSOGBA

    * Edito paru dans le quotidien béninois Evénement Précis, numéro spécial fête de l'indépendance.

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