• Marché international de Dantokpa

    Marché international de Dantokpa
    Quand de jeunes vendeuses tutoient le Sida

    En dépit de l'épidémie du VIH/Sida, de jeunes vendeuses ambulantes flirtent avec les conducteurs de taxi moto qui, chaque jour, stationnent aux entrées du marché international de Dantokpa.

    Larisse HOUSSOU *

    Il est 14h30 ce samedi. Une après-midi bien ensoleillée. A l'entrée du marché international de Dantokpa, entrée située sur le nouveau pont en quittant Akpakpa, de jeunes vendeuses ambulantes flirtent avec les conducteurs de taxi moto dont les motos sont stationnées. Des attouchements par-ci, des embrassades par-là. «Regardez ces jeunes filles et dites-moi si vous ne les trouvez pas attirantes. Toutes aussi jolies les unes que les autres», fanfaronne Mathieu, un conducteur de taxi moto originaire de Porto-Novo. Selon les dernières statistiques du Programme national de Lutte contre le Sida (Pnls), plus de 60% des personnes vivant avec le VIH au Bénin sont des femmes. Parmi les plus jeunes, la situation est encore plus grave: 76% des 15-24 ans vivant avec le virus sont de sexe féminin. Et pour le Pnls, le marché Dantokpa constitue une zone à risque. «Ne nous leurrons pas. Le Sida est partout. Et dans ce marché, beaucoup de choses se passent. C'est pourquoi, lors des campagnes de sensibilisation, nous ciblons d'emblée ce marché», fait remarquer le Dr Marcel Zannou, le coordonnateur du Pnls. Ce sont des milliers de personnes qui, chaque jour, circulent dans ce marché international. «Quand il fait chaud, nous nous reposons. Pour tuer l'ennui, nous tentons de séduire les filles qui se promènent dans le marché», explique Mathieu le conducteur de taxi moto, avec une pointe de fierté. Dans ce marché, la prostitution est exercée clandestinement par de jeunes vendeuses ambulantes qui cherchent dans ces relations dangereuses de quoi survivre. «Quelques pièces, parfois un billet... les filles se contentent bien souvent de ce qu'on leur donne», raconte Anne Dassigli, une revendeuse de pagnes du marché. Ces vendeuses ambulantes, bien souvent mineures, franchissent régulièrement la frontière et s'intéressent surtout aux conducteurs de taxi moto.

    «La situation requiert que quelque chose soit fait»
    Assise sur sa moto, Roland, un autre conducteur de taxi moto, observe:«Je suis un homme et quand une fille me plaît dans ce marché, je lui parle et je lui fixe un rendez-vous. Il y a beaucoup d'endroits cachés dans ce marché.» S'il assure connaître les risques de transmission du VIH en cas de rapport sexuel non protégé, il admet cependant qu'il n'utilise pas régulièrement les préservatifs. « Des fois, quand je ne trouve pas de préservatif, je fais l'amour sans me protéger», confie-t-il, précisant très vite: «Mais je sais reconnaître une fille de mœurs légères.» Roland n'est pas le seul à prendre des risques. Comme lui, Mathieu n'utilise pas toujours les préservatifs. «Des fois, on discute et quand vient l'envie de faire l'amour, on n'a pas le temps d'aller chercher des préservatifs», dit-il. Pour tenter de limiter les risques sanitaires que ce marché fait courir aux usagers, l'ONG «Sauver des vies» y mène des séances d'information et de sensibilisation sur le VIH et sur l'importance du dépistage. «Nous distribuons surtout aux conducteurs de taxi moto des préservatifs assez régulièrement pour éviter qu'ils en soient dépourvus et qu'ils aient des comportements qui peuvent leur être dommageables. Aux petites vendeuses ambulantes, nous leur conseillons d'exiger le préservatif avant tout rapport sexuel», souligne Eléonore Tachin, la coordonnatrice de l'ONG. Selon elle, si les jeunes vendeuses ambulantes et les conducteurs de taxi moto affirment être informés des modes de transmission et des conséquences que peut avoir le virus sur leur santé, très peu respectent les règles élémentaires de protection. «C'est une question d'argent, déclare dans un sourire Georges, un conducteur de taxi moto. La plupart des filles ne veut que de l'argent et si je décide que c'est sans capote, ce sera sans capote.» De l'avis du Dr Marcel Zannou, coordonnateur du Pnls, il y a énormément de travail à faire dans ce marché. «Il va falloir continuer avec la sensibilisation, dit-il. Car, l'utilisation des préservatifs n'y est pas encore répandue. La situation qui y prévaut requiert que quelque chose soit fait rapidement.» Mais quand... ?


    * Larisse HOUSSOU est journaliste spécialiste des questions de santé. Il est auteur de nombreuses publications sur le Vih/Sida, l'enfance malheureuse et le travail des enfants. Il est lauréat du prix RFI Reporters Sans frontières 2002 et du prix Nathalie Lorenzo 2006.





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