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Sécurité foncière au Bénin

Sécurité foncière au Bénin Une panacée contre la pauvreté Au Bénin, le foncier constitue une véritable menace pour le développement. Une réforme urgente s'impose en vue de la création de la richesse nationale... Christophe D. ASSOGBA «Il ne faut pas t'aventurer à acheter un lopin de terre au Bénin. Tu auras de sérieux problèmes». Comme le laisse entendre cette déclaration d'un investisseur étranger à un de ses compatriotes, le foncier, au Bénin, constitue un véritable casse-tête chinois. C'est la conséquence de l'attachement des populations béninoises à la terre et de la mosaïque de systèmes fonciers existants (tenure coutumière, permis d'habiter légaux et illégaux, propriété foncière immatriculée). Le plus grave est que cet engouement démesuré du citoyen béninois vis-à-vis du foncier prend l'allure d'une pathologie: elle touche désormais beaucoup de personnes qui tentent de mettre en application, en matière immobilière, le proverbe selon lequel «la nature à horreur du vide». Le spécialiste en Gestion de l'Espace et des Collectivités en service aux Affaires domaniales de la Mairie de Cotonou M. Stéphane Capo-Chichi déclare : «un véritable laxisme caractérise la gestion de l'espace au Bénin. Il n'existe aucune situation de base en matière de gestion de l'espace. Nous sommes dans un environnement d'insécurité où règne une mafia foncière dont les conséquences rejaillissent sur toutes les catégories sociales et empoisonnent la vie des paisibles populations». Au Bénin, le constat amer est l'existence énorme de faux actes fonciers. A cela s'ajoute une expropriation exagérée des parcelles ou terres des véritables propriétaires, le tout chapeauté par beaucoup d'arrêtés préfectoraux fictifs. «Nous avons loué un entrepôt. A la mort du propriétaire, un autre propriétaire se présente. Un an après, un jugement donne la propriété à une autre personne. Du coup, nous avons perdu notre fiche de location. Ce n'est pas normal», confie Roland Riboux, Président du Conseil national des investisseurs privés du Bénin (Cnipb) et Président directeur général de Fludor Bénin, une usine de fabrication d'huile végétale. En plus, la référence d'une parcelle varie au Bénin d'une institution à une autre (Mairie, Préfecture...). L'ingénieur Stéphane Capo-Chichi indique : «Quand bien même l'on est conscient que telle parcelle ou telle maison ne vous appartient pas, on l'occupe quand même, on tient à l'occuper à tout prix pour des raisons parfois inavouées, même sans aucun document légal. De pareilles pratiques sont courantes et bouleversent sérieusement la maîtrise réelle des terres. A telle enseigne que tout le monde y compris même le juge s'y perd souvent». En milieu rural, la majorité des terres ne font pas l'objet d'une délimitation précise. Par contre, en milieu urbain, l'accès à la terre est difficile pour les populations obligées de s'installer dans les zones marécageuses insalubres. C'est le cas des populations du quartier Vossa dans le 9ème arrondissement de Cotonou. En général, dans les centres urbains, les populations s'installent avant les opérations de lotissement. Les titres de propriété fiables et inattaquables représentent seulement environ 15%. Le professeur Roger Gbègnonvi fait ce constat : «Dans tout le pays, le problème lié au foncier est la non identification des terres appartenant tant à l'Etat qu'aux populations, d'où un grand nombre de faux papiers. En réalité, il n'y a pas de foncier au Bénin». Roland Riboux, investisseur étranger révèle que c'est grâce à l'aide des autorités locales qu'il a pu installer Fludor Bénin à Bohicon à 125 km de Cotonou. «Nous avons acquis 20 hectares à Cana auprès de 19 propriétaires avec lesquels nous avons négocié. On a eu le soutien des Sous-préfet et Préfet de l'époque. Grâce à ces autorités, on a fait une séance d'achat et fait enregistrer les terres. Mais, il a fallu trouver les gens. Il faut avouer que le travail a été facilité par l'administration qui voulait que l'usine s'implante chez elle. Sinon, il n'y avait pas de terrain disponible à l'époque». Le spécialiste Stéphane Capo-Chichi signale : «A Cotonou, nous avons environ 57 mille parcelles en dehors des derniers lotissements. 90% des plaintes adressées à la Mairie de Cotonou, sont des problèmes domaniaux». La ville de Cotonou constitue l'épicentre des problèmes domaniaux au Bénin. Rares sont les rues des quartiers de cette municipalité où on ne trouve pas des parcelles litigieuses sur lesquelles sont gravées une interdiction formelle: «parcelle litigieuse, à ne pas vendre». «Vous voyez cette parcelle, je l'ai acheté en 1962. Aujourd'hui, elle ne m'appartient plus. Les enfants du vendeur sont venus me l'arracher malgré mes papiers. C'est la mode aujourd'hui à Cotonou», témoigne Salomon Idohou, retraité. A bien des égards, le phénomène sévit aussi à Porto-Novo et Parakou, villes à Statut particulier comme Cotonou. Contradictions du droit foncier Au Bénin, deux systèmes fonciers antagonistes coexistent. Il s'agit du droit foncier coutumier et du droit foncier légal, lesquels sont en perpétuel conflit l'un avec l'autre. «Le droit écrit s'efforce de faire disparaître complètement à terme sans explication préalable le droit coutumier ou le «droit rétrograde». La Constitution du 11 décembre 1990, a consacré en son article 20, le droit de toute personne à une propriété, sans distinction de caractère mobilier ou immobilier ni du caractère coutumier ou moderne de celle-ci. En réalité, bien que cela soit sous-entendu, aucun texte n'a jusqu'ici affirmé clairement la suprématie du droit légal sur le droit traditionnel en matière foncière. A ce jour également, aucun texte n'a déclaré la propriété de l'Etat sur toutes les terres en zones urbaines comme en zones rurales. Selon Stéphane Capo-Chichi, l'Etat béninois se comporte comme s'il détient effectivement une souveraineté absolue sur le sol. En outre, la loi n° 60-20 du 13 juillet 1960 relative aux permis d'habiter dispose en son article 1er que ce titre n'est valable que pour les terres immatriculées au nom de l'Etat et ayant fait l'objet d'un plan d'urbanisme régulièrement approuvé. Là encore, tout en sachant bien qu'en zone urbaine, toutes les terres n'appartiennent pas à l'Etat, les pouvoirs publics les soumettent toutes (y compris les terres coutumières) au même régime. Et ce n'est pas tout : la loi n° 65-25 du 14 août 1965 portant régime foncier (droit légal) déclare facultative l'immatriculation qui n'est qu'exceptionnellement obligatoire. Cette fois-ci, cela signifie que la non immatriculation (droit coutumier) est la règle. Mais «paradoxalement, confie Stéphane Capo-Chichi, en cas d'expropriation et de lotissement, seules les propriétaires de terres immatriculées sont protégés et bénéficient d'indemnisation, bien que l'article 83 de cette dernière loi reconnaisse aux populations les droits coutumiers qu'elles déterminent sur le sol». «Le développement se fait quelque part» Dans les zones rurales, les terres dont la quasi-totalité relèvent du droit foncier coutumier, sont morcelées et ne sont pas enregistrées sur un cadastre. Ce qui pose le problème de droit de propriété. Cette situation constitue un frein en matière de développement et de lutte contre la pauvreté. Le spécialiste Stéphane Capo-Chichi explique : «pour industrialiser l'agriculture, base de développement, il faut regrouper les terres. Sans un regroupement des terres, on ne peut pas mécaniser l'agriculture. Un investisseur qui a besoin 4000 ha et qui doit toucher 10.000 propriétaires, se découragera et finira par abandonner son projet». Dans le même ordre d'idées, le professeur Roger Gbègnonvi déclare : «un bailleur de fonds a toujours besoin d'assurance absolue. L'investisseur étranger cherche toujours à savoir si le pays dispose d'une loi contre l'enrichissement illicite, la corruption, l'impunité. Si tout cet arsenal juridique n'est pas réuni, il va ailleurs». «Chez nous, ajoute-t-il, il n'y a pas d'assurance. C'est un désordre total. On ne dispose pas d'une véritable loi qui détermine les terres. Personne n'est sûr d'être au bon endroit. Il faut qu'on sache quelle terre appartient à l'Etat, à vous et à moi». «Dans une zone urbaine, un investisseur qui arrive et qui achète une terre se retrouve souvent en conflit avec d'autres propriétaires qui exhibent les titres de propriété. L'investisseur part sans comprendre comment l'Etat n'arrive pas à sécuriser les terres. En principe, les zones doivent être viabilisées comme c'est le cas au Togo voisin», révèle Stéphane Capo-Chichi. L'ingénieur pousse l'analyse plus loin et va jusqu'à dire que : «tout pays comme le Bénin qui n'a pas maîtrisé son espace, forcément a un handicap pour son développement». Même son de cloche chez le professeur Roger Gbègnonvi : «le développement se fait quelque part». Dès lors, on ne peut se permettre de fermer les yeux encore longtemps sur cette menace au développement. «Il faut unifier le régime...» Stéphane Capo-Chichi énumère les conditions qui peuvent favoriser la sécurité foncière et le développement : revoir la législation en matière foncière, créer de bases de données et de supports cartographiques numérisés, réduire les coûts d'attribution des titres fonciers et l'enregistrement formel de toutes les terres. Pour Roger Gbègnonvi, les investisseurs n'afflueront aux portes du Bénin qu'à condition qu'on mette fin à la corruption en matière foncière, à une justice à coup d'argent. Il précise : «Il faut que l'Etat prenne ses responsabilités en mettant en place un code foncier sinon les gens auront tous les papiers et les bulldozers viendront casser leur maison». M. Roland Riboux indique : «il faut unifier le régime. Il faut une loi sur le foncier. Il faut tout cadastrer. Avec un cadastre, il est impossible de vendre plusieurs fois la même parcelle». Stéphane Capo-Chichi suggère encore la mise en place d'un cadre institutionnel avec à la clé une législation foncière adéquate, unique et intégrée, une administration foncière intégrée et déconcentrée, un fichier national de gestion des titres fonciers opérationnels et régulièrement mis à jour. Des données à prendre en compte par le ministère en charge de la réforme foncière créé par le pouvoir en place au regard de l'impact négatif des problèmes fonciers sur la relance des filières agricoles et industrielles, créatrices de richesses, de croissance économique, de lutte contre la pauvreté et de développement.
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