Sécurité routière au Bénin
Le téléphone portable fait des contrevenants
L'utilisation du téléphone portable en circulation gagne de plus en plus les habitudes des populations béninoises. Une proposition de loi d'un député pour réprimer le phénomène est en examen à l'Assemblée nationale.
Christophe D. ASSOGBA
«Un jour, je rentrais à la maison à bord de ma voiture. Il sonnait déjà une heure du matin. Mon téléphone portable sonne. Devant moi, il y avait deux jeunes gens sur une moto. Le temps de prendre le téléphone et de décrocher, je me suis retrouvé sur le trottoir. J'ai cassé le carter de ma voiture». Ainsi, confie Kabir Adam, propriétaire d'un télécentre à Cotonou. L'homme révèle qu'il n'est pas à son premier accident au volant d'une voiture. «Il y a plus d'un mois, j'ai fais un autre accident au cours d'une conversation téléphonique avec ma femme. J'ai percuté un conducteur de taxi-moto. Heureusement que ce n'était pas aussi grave. Seulement, ma voiture a encore eu un choc». Il ajoute : «j'ai l'habitude d'utiliser mon téléphone portable en circulation. Au volant de ma voiture, je prends toujours d'appel quand mon téléphone sonne. Je ne gare pas souvent par crainte de perdre du temps ».
Kabir Adam n'est que l'une des innombrables victimes d'accident de circulation pour cause d'usage du téléphone portable. On ne sait pas au juste le nombre de ces accidents de route liés à l'utilisation du mobile en circulation. Mais il augmente au jour le jour. «L'usage du téléphone portable en circulation surtout au volant est très subtile. Je suis convaincu qu'il y a beaucoup d'accidents liés à son utilisation. Nous ne disposons pas de données chiffrées sur cette catégorie d'accident. Nous avons les statistiques pour les cas d'accidents causés par des véhicules sans phare et aux pneus usés», a déclaré M. Nestor H. Vitodegni, chef service informatique, statistiques, études et documentation au Centre national de sécurité routière (Cnsr). Sylvain Idohou, ébéniste, raconte avoir ramassé avec sa moto un piéton et « mordu la poussière à la suite d'un coup de fil ». L'usage du téléphone mobile en circulation ne se limite pas à une classe sociale donnée. Il est aujourd'hui à la portée de toutes les couches de la société. Selon M .Claude R. Wèkè, ingénieur mécanicien au Cnsr, quand une personne converse au portable en circulation, il n'a pas l'attention sur sa conduite. «Il sort de son champ physique et a son esprit ailleurs». «Lorsque l'oreille est au téléphone, l'oeil n'est plus à la route», lit-on sur les panneaux publicitaires du Cnsr. Le professeur Roger Gbègnonvi* renchérit en ces termes : «l'homme inattentif commet toujours des erreurs. La conduite repose sur l'attention et le coup de fil au volant détourne l'attention de son objet principal et met la vie en danger».
Les députés s'en mêlent
En 2004, la ville de Cotonou a enregistré 1313* cas d'accidents, soit 4% de mortels, 53% de matériels*, 18% d'accidents corporels* et 25% d'accidents graves non mortels. En 2003, le nombre est plus élevé. Même si la tendance est à la baisse aujourd'hui, il faut reconnaître que parmi les cas d'accidents de routes, beaucoup sont dus à l'utilisation du portable. C'est la raison pour laquelle un député a introduit à l'Assemblée nationale un projet de loi portant répression de l'usage du téléphone portable en circulation. Ce projet de loi actuellement en étude prévoit des sanctions aux contrevenants. «Il faut l'interdire. Une loi dans ce sens serait la bienvenue car l'utilisation du téléphone en circulation met la vie de beaucoup de personnes en danger», déclare le professeur Roger Gbégnonvi. «C'est bien d'adopter une loi. Mais elle risque de ne jamais être appliquée parce qu'il sera difficile d'établir le délit», affirme Nestor H. Vitodegni. «Le problème, c'est l'appréhension de la faute. Si on ne prend pas en flagrant délit, il n'est pas possible d'établir la contravention. Le gendarme ou le policier constate bien après. On n'arrive pas à mentionner formellement cette cause dans le procès-verbal d'accident. C'est difficile pour le portable, à moins qu'il ait des témoins à charge qui attendent l'arrivée des forces de l'ordre», a-t-il ajouté. D'après ses explications, la preuve matérielle de l'infraction sera sujette à contestation en l'absence d'un témoin, puisque le contrevenant aurait eu le temps de ranger son portable. «C'est bien une loi. Mais la verbalisation des fauteurs va encourager l'escroquerie. En France, sur le permis de conduire, il y a des points. Quand on prend un individu en train d'utiliser son téléphone portable au volant, on lui enlève des points jusqu'à ce qu'on lui retire le permis de conduire si on interdit l'usage du Kit* oreille, c'est grave. Il est fait pourtant pour la faute se répète. Ici, les gens risquent de corrompre des agents de sécurité. Interdire l'usage du Kit oreille est bien grave. Il est fait pour la voiture et tout le monde ne peut pas s'offrir les services d'un chauffeur», conclut Kabir Adam.
Notes
· M. Claude R. WEKE est le Chef service Prévention Routière au Centre national de sécurité routière
· Banque de données du Centre national de sécurité routière, année 2004
· Accident matériel : c'est un accident qui n'occasionne pas des pertes en vie humaine
· Accident corporel : c'est un accident qui entraîne la perte d'un membre ou d'une partie du corps.
· Un Kit oreille est un écouteur à l'usage du téléphone portable
· Le professeur Roger Gbégnonvi est membre de Transparency International Béninoise et de la société civile béninoise.
NB: Article écrit dans le cadre de l'atelier de formation sur les enjeux des Tic organisé par l'Odem avec le soutien de l'Institut Panos d'Afrique de l'Ouest.
Christophe D. ASSOGBA
Journaliste/Communicateur/Analyste politique
Tel : (229) 97648206
e-mail : assochrist2002@yahoo.fr
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