REPUBLIQUE DU BENIN
INTERVENTION
DE
SE DR. BONI YAYI,
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU BENIN,
CHEF DE L'ETAT, CHEF DU GOUVERNEMENT
A
LA 63E SESSION DE L'ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES
NEW YORK, LE 23 SEPTEMBRE 2008
Monsieur le Président de l'Assemblée Générale,
Je vous adresse mes vives félicitations pour votre élection à la Présidence de la 63e Session de l'Assemblée Générale. Le Bénin apportera sa modeste contribution aux travaux de cette session et s'efforcera de promouvoir les idéaux de la Charte à laquelle mon Pays réitère ici même sa pleine adhésion.
Votre prédécesseur s'est efforcé de rechercher des solutions idoines aux grands défis de l'humanité durant son mandat. Nous lui rendons hommage pour les bons et loyaux services qu'il a rendus à la Communauté internationale. Je tiens également à saluer l'action diligente et déterminée du Secrétaire Général des Nations Unies pour avoir su appréhender la portée des graves crises qui ont secoué le monde durant l'année écoulée.
Grâce aux initiatives hardies qu'il a prises pour promouvoir la concertation internationale, il a su revivifier les vertus du multilatéralisme comme voie royale de gestion des affaires du monde dans un cadre inclusif et participatif qui donne tout son sens à l'unicité de notre monde et à la commune responsabilité de l'espèce humaine pour le maintien des équilibres fondamentaux dont dépendent sa survie sur la terre et la pérennité de la biosphère.
En 2007, réagissant à l'alerte lancée par les scientifiques, nous avons focalisé notre attention sur les changements climatiques en tant que problème global affectant l'environnement sur notre planète avec des perspectives peu reluisantes pour l'avenir de l'humanité et des conséquences évidentes dans notre vie quotidienne.
C'est sur cette toile de fond que se jouent les deux crises majeures que nous tentons de contenir depuis quelques mois :
La crise énergétique et la crise alimentaire, deux points inscrits à notre ordre du jour apparaissent comme les plus graves que le monde ait connu dans son histoire récente et marquent une rupture d'avec nos certitudes en matière d'approvisionnement ininterrompu et durable de nos populations en sources d'énergie et en denrées alimentaires.
Le Secrétaire Général a fait preuve d'un leadership remarquable, en tirant sur la sonnette d'alarme et mettant en garde contre les risques que comportent les réactions hâtives et non viables, qui pourraient engendrer la panique et aggraver la situation.
La Conférence de Rome, organisée de concert avec la FAO, a permis une évaluation concertée de la complexité de la crise et la formulation d'une ébauche de stratégies globales échelonnant les mesures immédiates destinées à faire face à l'urgence, et des politiques cohérentes visant le court, le moyen et le long termes pour préserver la paix et la stabilité dans les pays en développement vulnérables. Ils sont en effet les plus touchés par la crise alimentaire qui hypothèque leurs efforts dans la lutte contre la pauvreté et la faim.
Les réponses apportées à l'urgence créée par la crise alimentaire ne devraient pas nous faire perdre de vue l'échéancier fixé pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
Il est du devoir de la communauté internationale de mobiliser les ressources nécessaires pour corriger les graves distorsions qui sont à l'origine de la crise alimentaire. Les performances dans ce domaine pourraient être améliorées si les pays vulnérables parvenaient à réaliser les investissements de nature à relancer durablement la production agricole dans le monde.
Cela dit, il importe de maintenir un taux de croissance soutenue capable de générer à la longue, la prospérité et le développement humain durable, car la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement doit être assurée et pérennisée comme un acquis.
Pour l'urgence, il importe que les Nations Unies usent de toute leur influence pour se donner les moyens d'aider les pays en difficultés à assurer la survie des populations menacées et des couches vulnérables. Elles courent le risque d'être décimées par la famine si rien n'est fait pour leur venir en aide.
Le moment est donc venu de donner au droit à l'alimentation une signification, car il est intolérable que la faim continue de faire partie des souffrances humaines au 21e Siècle. A court terme, la priorité doit être accordée au renforcement des systèmes de protection sociale dans les pays les Moins Avancés. Notre action devrait permettre d'activer les capacités dormantes de production locale par la promotion des petites et moyennes entreprises.
Il s'agira d'aborder les problèmes dans une approche intégrée qui permettra d'optimiser le rendement agricole, l'écoulement des produits vivriers, leur conservation, leur distribution en vue de l'amélioration des conditions de vie des couches les plus vulnérables auxquelles nous devons assurer une protection sociale effective.
A moyen et long termes, il faudrait repenser les politiques d'investissements dans l'agriculture pour rétablir l'équilibre entre les produits de rente et les produits alimentaires en vue d'assurer la sécurité alimentaire des pays, en tenant compte de leurs spécificités culturelles.
Monsieur le Président,
Tout bien pesé, cette crise montre que l'humanité n'est pas bien outillée pour gérer les implications de son évolution. C'est la preuve que nous ne faisons pas assez pour l'avenir et que nous risquons d'être à la merci de toutes sortes d'aléas.
C'est pourquoi, la proposition faite par le Groupe Spécial de Réflexion sur la crise alimentaire de relever la part de l'agriculture dans l'aide publique au développement de 3% à 10 % représente une démarche stratégique qui doit être mise en œuvre avec une volonté politique commune à la mesure de l'enjeu. C'est le lieu de rendre hommage aux pays qui ont déjà pris des engagements fermes pour accorder des ressources supplémentaires à cet effet.
Mon Pays, le Bénin, est durement touché par la crise alimentaire. Mais il est aussi résolument engagé dans l'action pour conduire les réformes qu'elle appelle. Dans cette perspective, mon Gouvernement a initié en 2006, un programme national de modernisation de son agriculture pour faire face aux distorsions relevées.
L'agriculture béninoise a été, jusque-là, tributaire des exploitations restreintes de type familial, essentiellement basées sur l'usage des outils archaïques. Pour changer cette situation qui contraint l'agriculture vivrière à l'état de la subsistance, mon Gouvernement a initié depuis bientôt un an un Programme de mécanisation, dont le but est d'améliorer la compétitivité du secteur.
Etant donné que la mécanisation ne peut produire l'impact escompté sans une maîtrise de l'eau, il est envisagé un programme de gestion rationnelle de cette ressource de manière à en tirer un meilleur parti tout en veillant à en assurer la pérennité. Le but visé est de promouvoir la culture irriguée essentiellement par la construction des barrages hydro-agricoles, dans les vallées du pays, avec l'élaboration des schémas directeurs d'aménagement.
Une des causes de la baisse de la production locale des denrées alimentaires est la dégradation des sols, l'érosion côtière et les effets conjugués des fréquentes inondations dues aux changements climatiques qui affectent gravement toute l'Afrique de l'Ouest. C'est le lieu d'exprimer notre haute appréciation pour le travail de sensibilisation que fait le Secrétariat de la Convention Cadre sur la lutte contre la désertification.
Les mécanismes de financement y compris le Fonds d'adaptation de la Banque Mondiale doivent être mis en œuvre avec un sens aigu de l'urgence de l'aide aux régions affectées. Ils doivent promouvoir la réalisation des projets de revitalisation des sols, la promotion de la culture irriguée et de reboisement avec des essences de nature à accroître la disponibilité de denrées de première nécessité.
Dans le cadre des efforts de diversification de la production agricole, le Gouvernement envisage aussi de promouvoir sur les terres arables marginales la culture de plantes servant à la production du biocarburant.
L'objectif visé est de réduire la dépendance aux hydrocarbures accentuée par la baisse drastique du rendement des centrales hydroélectriques due aux changements climatiques dont l'impact a affecté gravement l'activité économique dans le pays au cours des deux dernières années. Ces difficultés ont été amplifiées par la hausse vertigineuse des prix du pétrole.
Le dégrèvement fiscal et subventionnement des importations auxquels mon Gouvernement a eu recours pour protéger le pouvoir d'achat des contribuables pèsent sur les finances publiques. Ces mesures palliatives ne sont pas soutenables dans la durée.
Monsieur le Président,
Cette année, nous célébrons le 60e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Le Bénin a initié la Résolution 61/177 adoptée par l'Assemblée Générale pour proclamer l'Année Internationale de l'Apprentissage des Droits de l'homme qui débutera le 10 décembre 2008. Mon Pays a proposé cette nouvelle approche pour replacer la personne humaine au centre des efforts de développement humain durable.
L'apprentissage des droits de l'homme engendre une demande accrue des droits humains dont la société est censée être pourvoyeuse. Il est du devoir de la communauté internationale de les garantir.
Nous exhortons l'ensemble des Etats membres à donner un contenu concret à cette Année Internationale suivant leurs réalités nationales et à entreprendre toutes les actions qu'ils jugeraient nécessaires pour faire avancer l'appropriation et le bénéfice effectif des droits de l'homme par tous les individus sur leur territoire.
Les actions qui seront initiées au cours de l'Année Internationale de l'Apprentissage des Droits de l'homme donneront un coup d'accélérateur aux efforts que nous avons entrepris pour obtenir l'adhésion de tous nos citoyens aux Objectifs du Millénaire pour le Développement en particulier en Afrique où le risque de manquer lesdits objectifs à terme est le plus grand.
Nous nous félicitons des recommandations du Groupe de Pilotage pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement en Afrique. Le Bénin s'honore de faire partie du Groupe des dix pays pilotes retenus dans ce cadre.
De même, le BENIN a commencé à intégrer le concept «Unis dans l'action» dans son cadre de coopération avec le système des Nations Unies et attend avec impatience son inclusion dans le second groupe de pays d'expérimentation des recommandations faites par le Panel de haut niveau sur la cohérence des activités opérationnelles du système des Nations Unies. Cela permettra de développer des synergies pour accélérer la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
Au plan national, nous avons intégré la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement dans nos stratégies nationales de développement visant à ancrer la réalisation desdits objectifs dans un processus de développement auto - centré et auto - entretenu pour soutenir la croissance économique qui permettrait de pérenniser les acquis.
Nous nous félicitons des réflexions en cours pour renforcer l'efficacité de l'aide au développement. Nous espérons, qu'elles permettront de développer une vision consensuelle sur la meilleure manière de revitaliser le partenariat mondial pour le développement, le but ultime étant à notre avis, de réduire les inégalités scandaleuses qui affectent l'humanité.
Monsieur le Président,
Il ne fait aucun doute que la démocratisation des Nations Unies et la promotion de l'Etat de droit au plan international constituent une entreprise de nature à contribuer à la participation effective et efficiente de tous les peuples à la gestion des affaires de notre monde dans l'intérêt des générations présentes et futures.
La promotion de l'Etat de droit au plan international requiert un renforcement de la représentation des pays en développement dans les organes de décision des Institutions financières internationales ainsi qu'une redéfinition de leur mandat institutionnel pour qu'elles servent davantage à mobiliser les ressources en faveur du développement des Pays les Moins Avancés, tout en veillant à la stabilité du système financier international.
La démocratisation des Nations Unies, c'est aussi la réforme tant attendue du Conseil de Sécurité. Otage des contradictions inhérentes aux relations internationales contemporaines, elle piétine désespérément alors qu'elle est reconnue comme revêtant une importance cardinale pour l'efficacité de l'Organisation. Les négociations à engager à cet effet doivent être menées avec un sens aigu de responsabilité.
Nous devons veiller à assurer une représentation équitable des Etats membres au sein du Conseil de Sécurité. Je réaffirme ici les revendications légitimes de l'Afrique exprimées dans le Consensus d'Ezulwini dans le cadre d'une réforme qui vise à garantir aux décisions du Conseil la transparence, la légitimité et plus d'efficacité dans l'exercice de sa responsabilité primordiale pour la paix et la sécurité internationales.
La démocratisation des Nations Unies, c'est également un engagement plus ferme pour le respect de la légalité nationale et internationale par les Etats membres.
Monsieur le Président,
Pour terminer, je voudrais, lancer un pressant appel à toutes les parties aux conflits armés qui se poursuivent dans divers foyers de tension dans le monde, que ce soit au Moyen Orient, en Asie, en Amérique Latine, ou en Afrique, pour qu'elles recherchent le chemin de la paix dans les vertus du dialogue et le respect des valeurs démocratiques.
Je vous remercie.