• Si petits, si ravageurs

    Si petits, si ravageurs

    Ils sont si petits, moins d’un millimètre, mais ces insectes sont de véritables ravageurs de plantes dans de nombreux pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest.

    Vous avez beau entretenu votre papayeraie ou cocoteraie, quand la cochenille ou l’acarien passe par là, il détruit tout sur son passage. Ces minuscules insectes exotiques et invasifs, constituent une vraie menace pour les cultures et les plantes dans de nombreux pays de l’Afrique de l’Ouest. La cochenille du papayer —Paracoccus marginatus, originaire du Mexique, a été localisée, pour la première fois, au Ghana et identifiée par l’Institut international d’Agriculture Tropicale (IITA), station du Bénin, vers la fin de 2009. Elle est, aujourd’hui, aussi répandue au Bénin, au Togo, au Nigeria, au Cameroun, au Gabon, en Sierra Leone et même signalée tout dernièrement au Sénégal. La proportion des plantes atteintes par cet insecte varie d’une région à une autre. En Afrique occidentale, il attaque plus de 80 espèces de plantes, arbres et arbustes.

    Au Bénin, tout comme dans beaucoup de pays, il s’en prend surtout au papayer cultivé dans les régions côtières du pays. De toutes les espèces de cochenilles identifiées et étudiées—Phenacoccus manihoti, Ferrisia virgata, Maconellicoccus hirsutus, Nipaecoccus viridis et Pseudococcus longispinus —, celle du papayer, se nourrit de plusieurs espèces végétales. Elle a la capacité de se multiplier avec ou sans accouplement et prolifère allègrement sous un climat tropical. C’est d’ailleurs pourquoi, qu’en saison sèche ses dégâts sont plus énormes. Jaunâtre, elle produit des mâles ailés à la différence de celle du manioc qui, elle, est rosâtre.

    Lorsqu’elle colonise la plante en saison sèche, la cochenille du papayer, très discrète pendant la saison des pluies, provoque la déformation et la chute des feuilles due à un champignon qui pousse sur une substance sucrée (miellat) rejetée par ces insectes piqueurs et suceurs. Graduellement privée de photosynthèse, la plante, en fin de compte, meurt.

    « La cochenille du papayer suce la plante, injecte une substance qui cause la déformation des feuilles et finit par mettre à nu la plante », déclare Dr Georg Goergen, Entomologiste, responsable de la collection d'insectes et spécialiste en biodiversité à l’IITA-Bénin.

    La papayeraie de Germain  Sinha, à Allada, localité à 40 kilomètres au nord de Cotonou, a fait les frais de ce terrible ravageur. L’an dernier, ce ravageur a complètement détruit ses deux hectares de vergers. Il n’a pratiquement rien récolté ni vendu. Bien au contraire, cette année-là, il a perdu une de ses sources de revenus et est sérieusement criblé de plus de 5 000 000 de francs CFA de dette qu’il continue de payer à une structure de financement de projet agricole de la place. Des troncs de papayers pourris, nids de nombreux termites et fourmis, jonchent encore le sol de cette plantation dévastée, pourtant, pourvue de système d’irrigation. C’est avec des larmes aux yeux que Germain raconte son calvaire. Il confie qu’il n’abandonnera pas cette production qui rapporte en moyenne 800 000 francs CFA à chaque récolte. Mais il devra encore s’armer de courage et trouver un remède aux cochenilles avant de reprendre sa plantation. Mais en attendant de reprendre son champ de papaye, il souffre durement.

    Selon Dr Goergen, en 2010, au Ghana, par exemple, 85 % des fermes de papaye dans les cinq principales régions productrices infestées ont été dévastées par la cochenille du papayer occasionnant des pertes de rendement moyen de 65 % et le rétrécissement des  plantations de 2500 hectares à 380 hectares. Environ 1700 personnes ont perdus leur job à cause de ce ravageur. Une épidémie du genre, si rien n’est fait, serait plus dramatique au Nigeria, deuxième producteur et sixième exportateur de papaye au monde.

    Il loge dans les bractées

    L’acarien du coco — Aceria guerreronis (Eriophyidae), quant à lui, originaire aussi du Mexique, fait également figure de grands ravageurs en Afrique. Plus petite (invisible à l’œil nu) que la cochenille du papayer, il loge dans les bractées c’est-à-dire les feuilles à la base de  la noix de coco, infecte la noix de coco à un mois et suce le contenu  des  cellules responsables de la croissance de la noix. Ainsi, les  dégâts  causés apparaissent  d’abord  sous  forme de triangles blanchâtres à la  lisière de  la  bractée de  la  noix. Ces  taches s’élargissent  et  jaunissent  puis  brunissent avec l’âge de la  noix.  La surface de la  noix,  au lieu de  demeurer lisse  est  désormais craquelée.  La  noix  devient  souvent tordue  et  demeure petite  comparée aux  noix  non attaquées. « Une noix de coco saine est lisse et a une couleur verte tandis qu’une noix infectée a la  surface rugueuse et  brune, faisant penser  à un dessèchement  naturel », indique Dr Ignace Zannou, Acarologue à IITA-Bénin.

    Des études menées par une équipe de chercheurs de IITA-Bénin, sous la direction de Dr Hanna Rachid, Entomologiste  et Dr Peter  Schausberger de  Universitat für Bodenkultur de Vienne, en Autriche, montrent que cet acarien provoque souvent la chute prématurée des jeunes noix de coco, réduit considérablement  la  taille des  noix, la perte de rendement allant jusqu’à 40 % et la mort des jeunes plants de coco. Dispersé dans la région par le transport des noix infestées par des courants marins, il est responsable aussi de la  dépréciation de la noix de coco sur le marché. Une  étude  socio-économique  conduite, en  2010, a  révélé  que  les  noix  ainsi attaquées sont si petites  qu’elles  sont  vendues  moitié prix.

    « Nous avons trouvé que le ravageur endommage les fruits dans presque toutes les plantations au  Bénin et  en Tanzanie et le niveau d’infestation s’élève à plus de 80 % », affirme Dr Koffi Negloh, Acarologue à IITA-Bénin. Il précise : « 90 à 100 %  des  cocotiers  examinés au  sud du Bénin  sont  attaqués.  Le  pourcentage moyen  de  noix   attaquées avoisine  80 % ». 

    La plupart des noix de coco que vend dame Chimène Tchiakpè, au bord du trottoir de l’esplanade du stade de l’Amitié de Kouhounou, à Cotonou sont petites, tordues et craquelées. C’est la même chose chez dame Justine Bignon, à l’entrée de la plage de Fidjrossè, à Cotonou qui dit avoir remarqué que les grosses noix de coco, bien vertes et lisses contiennent souvent beaucoup plus de lait de coco que les petites noix. Elles s’approvisionnent toutes à Togbin, village  côtier qui a perdu presque toute sa cocoteraie en raison de l’érosion côtière.

    En Côte d’Ivoire, premier exportateur de produits cocotiers (coprah et noix entières) en Afrique, avec une production annuelle de 65 000 tonnes de coprah chaque année pour 50 000 hectares de cocoteraie, une maladie —Phytophtora katsurae,affecte aussi les cocotiers. Le Centre national de recherche agronomique (CNRA) de ce pays a mis au point  des méthodes de lutte efficace contre les ravageurs et les maladies.

    Ne résistent pas devant des ennemis naturels

    La cochenille du papayer et l’acarien du coco sont redoutables mais ne résistent pas devant des ennemis naturels  (prédateurs ou parasitoïdes). Une étude menée par IITA-Bénin et publiée dans Biocontrol News and Information, en 2011, fait état des ennemis naturels avérés de la cochenille du papayer. Deux petites guêpes, de presque même taille (entre 0.8 mm et 1.2 mm) que la cochenille du papayer, tuent celle-ci en déposant un œuf par cochenille, la transforme en pupe d’où émerge par la suite une nouvelle guêpe adulte.

    Une campagne de lâchers de ces micro-guêpes, financée par la Direction du Développement et de la Coopération Suisse (DDC), sera bientôt menée par l’IITA-Bénin, dans six pays côtiers du Golfe de Guinée (Bénin, Cameroun, Gabon, Ghana, Nigeria et Togo).

    « Les premiers lâchers de guêpes dans des sites pilotes au Ghana ont donné des résultats très probants. Il se sont traduits par une chute immédiate des populations de cochenilles au point que les producteurs ont immédiatement arrêté de pulvériser des insecticides pour permettre aux parasitoïdes de substituer l’action chimique. Nous pensons que la lutte biologique contre ce ravageur est plus salutaire que l’utilisation de pesticides », déclare Dr Goergen.

    « L’idée n’est pas de faire disparaître la cochenille mais de maintenir le niveau du ravageur très bas comme c’est actuellement le cas pour la cochenille du manioc. Faire éradiquer le ravageur revient à faire disparaitre les parasitoïdes », indique-t-il.

    Concernant l’acarien du coco, IITA-Bénin, dans le cadre du projet « Lutte intégrée contre l’acarien du coco », financé par le Gouvernement  Fédéral d’Autriche puis par VetoWotro (Netherlands Organisation for Scientific Research), un organisme Néerlandais dont les  résultats sont publiés dans plusieurs journaux  internationaux, notamment « Experimental  and  Applied  Acarology,  Biological Control … », depuis 2007.  Les  recherches dans le  cadre de ce  projet  ont permis la  découverte de trois acariens prédateurs de ce ravageur de  coco au Bénin, en  Tanzanie, au Brésil  et  au Sri Lanka. Bien que les premières  identifications  aient  montré  des  similitudes entre  ces prédateurs, des  études morphologiques, moléculaires et biologiques  ont permis de  choisir  l’espèce  Neoseiulus  baraki,  originaire  du Brésil comme  agent  de  lutte contre l’acarien de coco. Cet ennemi naturel qui, selon Dr Negloh et Dr Zannou, colonise assez rapidement les  noix  à la  suite du  ravageur, est efficace pour décimer l’acarien du coco. « On a la conviction que le prédateur peut faire le travail », a dit Dr Negloh.

    Selon Dr Zannou et Dr Negloh, de mars 2011 à avril 2012, des lâchers expérimentaux du prédateur  N.  baraki effectués dans 6 plantations, dans les localités de Ouidah, Grand Popo et Owodé au Bénin montrent que les prédateurs sont efficaces contre le ravageur. « Les  résultats  à  ce  jour  montrent  que le prédateur s’est établi dans  ces  plantations  et  commence  à se  disperser », déclare Dr Zannou et Dr. Negloh. Mais il faut attendre encore deux ans pour évaluer la dispersion du prédateur dans les  parcelles adjacentes puis  dans les  plantations  voisines  des  champs d’expérimentation, évaluer l’impact du  prédateur  sur la  population du  ravageur  A.  guerreronis et faire  une  étude  comparative sur la  production des  noix.

    Christophe D. Assogba


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