• Santé maternelle au Bénin: Séquestrés à la naissance à cause de 43.000 FCFA

    Santé maternelle au Bénin

     

    Séquestrés à la naissance à cause de 43.000 FCFA

     

    Au Bénin, il est de plus en plus difficile d’être papa quand on est trop pauvre. De nombreux nouveaux-nés sont souvent séquestrés pour contraindre les parents à payer les frais d’accouchement. C’est le cas de Valdez et Valdine, deux jumeaux prisonniers à la naissance avec leur maman  à cause de quarante trois mille (43.000) francs CFA soit  environ 66 euros.

     

    Christophe D. ASSOGBA

     

    Quand ils étaient encore dans le ventre de leur mère, Valdez et Valdine n’auraient jamais pensé vivre les premières heures de leur existence sur la terre en qualité de prisonniers. Et pourtant, les  deux jumeaux que dame Ghislaine Dossou-Yovo, 20 ans  a mis au monde entre 3 heures et 4 heures du matin le lundi 15 juin 2009  ont été des détenus quelques heures après leur naissance. En effet, Martin Aféto, 36 ans, docker, père des jumeaux et mari de Ghislaine était incapable de payer  les frais d’accouchement qui s’élèvent  à  43.000 FCFA soit  environ 66 euros. C’est ainsi que les deux nouveaux-nés et leur mère ont été faits otages par la sage-femme affectueusement appelée «Maman Ro». Celle-ci exige au père des enfants le payement de la totalité  des frais d’accouchement avant de libérer sa femme et ses enfants pour regagner leur domicile au quartier Fifadji dans le 9ème arrondissement de Cotonou, la métropole économique du Bénin. «Quand ma femme a accouché, j’avais seulement 1500 FCFA en  poche. Dans l’incapacité de payer les 43.000 FCFA de frais d’accouchement, la sage-femme séquestre ma famille. Ma femme et mes enfants sont envoyés au domicile de la sage-femme au quartier Sainte Rita avec la consigne ferme que quand je payerai, ils seront libres. Elle a fait prisonniers ma femme et mes enfants pendant une semaine», confie Martin Aféto. D’après ses explications, pendant leur détention au domicile de «Maman Ro», Ghislaine et ses nourrissons  étaient enfermé dans la maison et surveillés comme du lait sur le feu. Décidé à faire libérer sa famille et à laver la honte auprès de sa belle famille, Martin réussit à mobiliser 20.000 FCFA mais la sage-femme refuse de prendre cette somme et la lui jette à la figure. «J’ai fais le tour de la ville et j’ai pu trouver 20.000 francs pour qu’elle libère ma famille mais elle a refusé et rejeté l’argent estimant que je me moque d’elle. Cela m’a fait beaucoup mal mais…», déclare le pauvre docker qui dit n’avoir  pas baissé du tout les bras pour la libération de sa famille. «J’ai  enfin payé 35.000 FCFA avant qu’elle ne libère ma famille», a-t-il indiqué. Il ajoute : «Il me reste encore 8.000 FCFA à payer». Et tant que Martin ne va pas payer le reste, il ne pourra jamais rentrer en possession des fiches de naissance de ses jumeaux. La sage-femme a été très ferme et sans pitié dans ce sens, confie-t-il: «Elle m’a dit que si je ne paye pas les 8.000 francs, je ne pourrai pas prendre les fiches de naissance de mes enfants en vue de l’établissement de leurs actes de naissance à la mairie». Ce n’est pas la première fois que Martin est victime d’une telle situation. Quand Stéphane, son premier enfant est né, la même sage-femme avait confisqué la fiche de naissance de l’enfant pour le contraindre à payer la totalité des frais d’accouchement évalués à 30.000 FCFA. «A la naissance de Stéphane, témoigne-t-il, je n’avais pas aussi de l’argent pour payer les frais d’accouchement qui s’élevaient à 30.000 francs. J’ai donc payé un peu un peu. Mais elle avait confisqué la fiche de naissance. J’ai retiré la fiche de naissance huit mois plus tard. Il a fallu que je ramasse une tontine de 60.000 francs pour que je puisse payer la dette et établir un acte de naissance à mon enfant. C’est cette tontine qui m’a sauvé et j’ai pu établir un acte de naissance à Stéphane. Sans quoi, il ne peut pas commencer la maternel cette année». «Ma patronne travaille bien. Tout le monde le reconnaît. Mais elle est impardonnable lorsqu’il s’agit de son argent. Elle n’hésite pas à confisquer les fiches de naissance ou à garder les nouveaux-nés pour que leurs parents lui payent les frais d’accouchement avant de les libérer», témoigne sous anonymat une aide soignante membre du personnel soignant de la clinique de Maman Ro.

     

     

    Le privé aussi

    Martin est loin d’être le seul dans ce cas. De nombreux parents incapables de payer les frais d’accouchement sont victimes de cette pratique dans les hôpitaux publics. «Il y a beaucoup de femmes qui ont accouché et qui sont gardés ici parce qu’elles n’ont pas payé les frais d’accouchement. Elles sont nombreuses dans les salles d’hospitalisation des mères (bâtiment  B et D)», assure Jeannot Adelami, Aide de salle à l’Hôpital de la mère et de l’enfant Lagune de Cotonou (Homel). Il ajoute : «Dès que le  service social va payer les frais, elles seront libérées. Mais en  attendant l’étude de leur cas, elles sont gardées». Les dames rencontrées n’ont pas voulu témoigner de peur de faire pièce à leur dossier en étude au service social. «De plus en plus, des hommes de bonnes volontés et d’Organisation non gouvernementales (ONG) viennent contribuer pour la libération des indigents», confié Fagbohoun A.,  infirmier à Homel.

    La séquestration des bébés à la naissance pour contraindre les parents à payer les frais d’accouchement est une spécialité des hôpitaux publics. A preuve, en octobre 2007, n’eut été la réponse prompte et l’aide du Chef de l’Etat, Boni Yayi  à ses supplications sur la chaîne de télévision Canal 3 Bénin, les quadruplets que Julienne Hounsa avait accouché à l’hôpital de zone de Calavi auraient connu  le même sort que les jumeaux de Martin Aféto.  Mais le phénomène est présent également dans le secteur privé hospitalier. Combien de centre de santé privé s’adonne à une telle pratique. On ne peut connaître le nombre exact. Ce que nous savons, néanmoins, c’est en partie pour mettre fin à cette pratique que le gouvernement a décrété la gratuité de la césarienne dans les hôpitaux publics. S’il est vrai qu’avec la mise en vigueur depuis le 1er mai 2009 de  cette mesure sociale que le phénomène semble avoir baissé dans les hôpitaux publics, il n’en demeure pas moins des risques de contamination du privé. «Quand une structure publique séquestre les nouveaux-nés, n’aller pas demander au privé le contraire puisqu’il paye beaucoup de taxes à payer», affirme Martin Assogba, Président de Alcrer, une ONG qui s’investit dans la défense des droits humains, la lutte contre la corruption, la mauvaise gouvernance et la promotion des valeurs citoyennes au Bénin. «C’est l’irresponsabilité qui conduit les autres à séquestrer les mères et à violer les droits de la personne humaine», conclut  Martin Assogba. 


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :