• Me Joseph Djogbénou répond au bâtonnier de l’ordre 

    Dans sa parution n°2346 du mercredi 06 juin 2012, votre quotidien, La Nouvelle Tribune, a publié en manchette, commentaire à l’appui, une «Mise au point» de Me Arthur Ballé

    (Mise au point du bâtonnier de l’ordre aux avocats : la lettre d’Arthur Ballé qui risque d’enflammer le barreau), bâtonnier de l’ordre des avocats du Bénin, à ses confrères. Il fustige, en effet, dans sa correspondance en date du 30 mai, le fait qu’ «il devient habituel que des avocats en charge du dossier choisissent les medias pour livrer à l’opinion publique leur avis sur les litiges relatifs à ces dossiers.»



    En réponse à cela, l’avocat-conseil de Bénin Control Sa, Me Joseph Djogbénou contre-attaque.

    CABINET D’AVOCATS

    Joseph DJOGBENOU

    LAW OFFICE

    Cotonou, le 06 juin 2012

    N/Réf : 0114/BRIDJ/12

    Monsieur le Directeur de publication

    Nouvelle Tribune

    COTONOU

    Objet: Droit de réponse

    Monsieur le Directeur de publication,

    Dans la parution du 06 juin 2012, votre quotidien a publié une lettre adressée aux avocats membres du barreau du Bénin par Monsieur le Bâtonnier en date du 30 mai 2012. Ayant été personnellement interpelé, je vous transmets la réponse adressée au Bâtonnier et vous prie de bien vouloir la publier dans les termes et conditions prévus par la loi sur la presse en guise de droit de réponse. Veuillez agréer, Monsieur le Directeur de publication, l’assurance de mes sentiments distingués.

    Cotonou, le 4 juin 2012

    Réf : 68/DJ/12

    Monsieur le Bâtonnier

    Ordre des Avocats

    COTONOU

    Objet : Protestation contre le contenu de votre correspondance n°00479/COA/AAB/12/MP portant «mise au point».

    Monsieur le Bâtonnier,

    Cher confrère,

    Par correspondance ouverte, visée en marge, en date du 30 mai 2012, il vous a plu de recouvrer l’entière maîtrise de votre pouvoir de contrôle disciplinaire en vue de mettre en garde ceux qui « choisissent les medias pour livrer à l’opinion publique leur avis sur les litiges relatifs à ces dossiers ».

    Vous semblez faire allusion, entre autres, à l’affaire dite « Bénin Control », au sujet de laquelle vous fîtes, le mercredi 30 mai, l’une de vos rares sorties …médiatiques qui annonça la substance de la correspondance visée en objet. Décidément, ce dossier trouble bien des sommeils et rappelle bien des missions. Le principe du contradictoire appelle qu’il soit emprunté la même forme pour rappeler à votre précieuse attention ainsi qu’à celle de nos confrères, quelques éléments de faits qui inspirent quelques considérations de droit.

    I – Sur les éléments de fait

    Il ne vous a pas échappé que :

    • Depuis le début du mois de mars 2012, la presse fait état, à l’occasion des interventions intempestives, continues et abusives du gouvernement, des conditions et circonstances désavantageuses et vicieuses dans lesquelles il aurait conclu un contrat dit du PVI/NG avec la société Bénin Control.

    • Comme si cela ne suffisait pas, le promoteur de ladite société fut arrêté le 26 avril 2012 et placé en garde à vue, dans des conditions inadmissibles qui n’ont troublé aucune tranquillité dans une société démocratique, la tradition du barreau paraissant confiner les avocats dans le confort de l’attente. On peut alors comprendre pourquoi nul n’a levé la moindre contestation lorsque, le procureur de la République en personne, sans qu’aucune procédure pénale ne fût ouverte, eut la faveur de la télévision nationale et de Golf TV pour lancer des accusations sans aucun fondement et auxquelles il ne sera jamais répondu de manière contradictoire ni devant un juge, ni devant l’opinion.

    • Plus grave encore, le 14 mai 2012, Monsieur Paul KATO ATITA, Avocat au Barreau, se porta à la télévision nationale, et exposa à la communauté nationale que le contrat qui lie Bénin Control à l’Etat serait de nature administrative. Son intervention n’a offensé aucun attachement à la discipline. Comment peut-il en être autrement si, avec l’approbation silencieuse des gardiens du temple, les interventions précédentes du procureur de la République dans l’affaire ICC Services transformèrent les victimes en complices de recel et d’autres infractions affligeantes, leur enjoignirent de payer en publiant à titre discriminatoire les identités de ceux que l’on veut bien vouer aux gémonies sous le regard de notre barreau dont la grandeur silencieuse est sans égal. La présomption d’innocence est piétinée, sans doute. Mais l’Avocat doit attendre… au prétoire !

    • Jusqu’alors les interventions de l’avocat et du procureur, tous proches du gouvernement, ne sont attentatoires à aucune règle qui suscite la réaction du Bâtonnier, ni celle de l’Ordre.

    • C’est en cet état, que le 18 mai 2012, certains avocats sollicités par Bénin control, ont tenu une conférence de presse d’explication de la position de cette dernière. Depuis cette date, les réactions fusent, organisées, exprimées sans aucune retenue. Des avocats et/ou enseignants intervinrent, en précisant qu’ils ne sont pas constitués, et le Bâtonnier assure sa partition, au moyen d’une admonestation à l’égard de la personne du signataire de cette lettre, en pleine réunion du Conseil de l’Ordre et, cette fois-ci, d’une publication aux allusions attentatoires à la dignité.

    • On peut oser récapituler qu’en cette affaire :

    o Aucune procédure n’est ouverte devant aucun juge.

    o Ce n’est pas Bénin Control ni ses Avocats qui ont porté l’affaire dans la presse.

    o Les avocats de Bénin Control n’ont sollicité, ni provoqué aucune demande de débat, sur aucun sujet.

    o Les avocats de Bénin Control sont intervenus trois fois dans les medias, contraints à l’explication, refusant autant l’affabulation, l’indignité que la violation aussi manifeste des droits dont l’atteinte touche aux fondements même de l’état de droit.

    II – Sur les considérations de droit

    • L’intervention des avocats dans les médias n’est pas un débat nouveau. Il est apparu et discuté sous d’autres cieux, avec l’avènement et le développement des médias notamment à partir de la seconde moitié du XXè siècle. C’est en raison, par ailleurs de cette considération temporelle, qu’il convient d’éviter de convoquer à sa résolution « les traditions », constituées, en particulier aux XVIIIè et XIXè siècles, qui n’ont connu ni la radio, ni la télévision, qui ont à peine entrevu l’industrialisation et le développement technologique, et qui ont, en définitive, assis les liens de l’avocat avec son canton, son arrondissement et son juge de paix, faisant de lui plutôt un notable convivial qu’un défenseur engagé aux côtés de l’être humain dont les droits se furent épanouis après la seconde guerre mondiale. Les réponses apportées ailleurs, notamment en France et en Belgique, ne sont pas celles annoncées dans la lettre du Bâtonnier. L’Avocat n’est pas un incapable. Sa capacité d’exercice n’est ni retenue, ni restreinte. Si dans son expression, il viole les règles de son barreau, il en répond.

    • Mais s’il faut encore confiner le barreau béninois dans ce statut d’une époque révolue, ce ne sera pas au moyen de l’invocation d’une tradition non identifiée ou de règles positives non précisées, encore moins d’une application pour le moins frustratoire et injuste des règles énoncées.

    • En cette affaire, les avocats visés n’ont reçu aucune correspondance du Bâtonnier qui a semblé formé sa religion sans daigner les entendre. La lecture de la presse, les rumeurs et les conjectures suffisent à son opinion et à son admonestation publique. Il a plutôt choisi la voie de la presse et de la lettre. Ceci, à ses yeux, est parfaitement conforme à la déontologie.

    • Comme c’est tout à fait conforme à la déontologie le fait pour le Bâtonnier de conduire ses confrères au cabinet du chef de l’Etat, dans une affaire douloureuse pour toute la nation, afin que celui-ci, comme il en a l’habitude, donnât des instructions alors même que le dossier était pendant devant les juridictions. Lorsque le même gouvernement, en conseil des ministres, dénonça les mêmes avocats et les identifia comme les responsables de la résistance des parties à accomplir un acte déterminé, la même déontologie a contraint le Bâtonnier au silence. Mais la déontologie du silence n’élève ni l’ordre, ni ses membres.

    III – Conclusion

    Je proteste, avec l’énergie de la douleur qui m’étreint, contre toutes les affirmations et insinuations qui transpirent de votre lettre. Les avocats ne peuvent pas défendre, au quotidien, le droit d’être entendu par un juge impartial sans en bénéficier eux-mêmes. La pratique de la vindicte populaire est absolument vexatoire.

    Sans doute, est-il heureux qu’un avocat ne soit interpellé, non pas à raison de l’exercice de la profession au moyen des couloirs de toutes les compromissions silencieuses et discrètes, mais de son acharnement à s’élever contre tout abus. Mais il est peu glorieux que les responsables de l’ordre choisissent de taire toute audace contre les pouvoirs qui restreignent, qui voilent ou qui violent impunément les droits.

    Le débat suscité par cette affaire pose une question qu’il convient de trancher sans hypocrisie, en toute transparence et transcendance. Je souhaite, à mon égard, qu’il soit conduit à son terme. A cette fin, je vous ferai parvenir incessamment ma lettre de démission du Conseil de l’Ordre, afin de pouvoir défendre, avec loyauté et sans complexe, et mon opinion, et ma dignité. Vous aurez compris que j’ai toujours fait mienne cette sagesse d’Albert Camus : « Mourir debout plutôt que vivre à genoux ».

    Bien entendu, je transmets à chacun de nos confrères, copie de la présente correspondance.

    Veuillez agréer, Monsieur le Bâtonnier et Cher confrère, l’assurance de ma considération dévouée.

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  • Erosion côtière au Bénin

     

    Djondji déloge ses morts

     

    Victimes de l’érosion côtière, les populations de Djondji au Bénin ont, il y a quelques semaines, été contraintes de déloger les dépouilles de leurs défunts parents que les flots menacent d’emporter.

     

    Christophe D. ASSOGBA

     

    Jonché de cocotiers, le village de Djondji dans l’arrondissement de Djègbadji dans la commune de Ouidah, ville historique située à environ quarante kilomètres de Cotonou, la métropole économique du Bénin, est en ruines. Assis  dans un coin, à même le sol, un homme la quarantaine, un chapeau posé sur sa tête, lave à l’aide d’une éponge des ossements qu’il venait de soustraire d’une tombe. A côté de lui, une femme dans la quarantaine aussi, range soigneusement des ossements dans un sac de jute qu’elle venait de sécher au soleil.  Un peu plus loin, un jeune homme récupère de l’eau de mer dans une bassine renflée qu’il porte vers un homme, la cinquante,  assis sur un tronc de cocotier en train de toiletter des ossements d’un défunt. Le travail des uns et des autres est rythmé par les bruits incessants des vagues marines, comme une musique de fond à laquelle se mêlent leurs bavardages absorbés par leurs tâches. Des regards tristes, anxieux, pensifs témoignent de la douleur de leur travail. «La mer a ravagé nos maisons et envahi notre cimetière. Des tombes ont été englouties par les eaux. Moi,  j’ai eu la chance que la tombe de ma mère défunte n’a pas encore été avalée par l’océan. J’ai donc déterré les ossements de la défunte que je suis en train de laver afin de l’enterrer ailleurs», confie Michel Kpanou, pêcheur, le visage triste.

    Michel est loin d’être le seul dans ce cas. La quasi-totalité des familles du village ont été contraintes de déloger leurs défunts afin d’éviter que la mer ne les emportent comme c’est le cas pour certaines tombes déjà englouties. Les habitants récupèrent les squelettes de leurs défunts qu’ils lavent à l’eau et sèchent au soleil avant d’aller les enterrer dans un autre endroit plus en sécurité, loin de la mer. «Vous voyez ici les squelettes de mon feu père mort il y a de cela quinze ans. La mer a failli emporter la tombe. J’ai donc vite récupéré les ossements que je vais enterrer ailleurs», a déclaré Jean Sossavi, pêcheur et cultivateur. «J’ai tout perdu. Ma maison est complètement détruite. De plus, les tombes de mes parents ont été avalées par la mer», renchérit Samuel Mèdjan, pêcheur.

    En effet, les populations de Djondji vivent cette année les moments les plus difficiles de leur existence. Comme pour se venger d’elles, la mer, en colère, s’est déchaînée et l’érosion est en train de ravager le village occasionnant de nombreux dégâts.  Plus de 40 habitations ont été entièrement  détruites au cours du mois de mai 2009. Même le cimetière subit les affres de l’érosion.

     

    «…Nous ne pouvons pas abandonner notre village...»

     

    Situé en bordure de la mer, le village de  Djondji est habité depuis des lustres par des populations de pêcheurs. Menacée par l’érosion côtière, cette localité risque dans quelques années, si rien n’est fait pour freiner l’avancée des eaux, de disparaître de la carte du Bénin comme les quartiers Donatin, Tokplégbé, Finagnon, Akpakpa-Dodomey et Jak à Cotonou, selon une étude publiée en 2007 par l’International Institute for Environment and Economic Development (IIED), un organisme britannique. L’artiste musicien Ebawadé originaire de Djondji a ses parents qui vivent près de la mer depuis plus de cinquante ans. «L’érosion nous menace, confie-t-il. Nous avons envie de partir d’ici mais ne pouvons pas puisque c’est notre village. Nous ne pouvons pas abandonner notre village. C’est notre identité. C’est ici que nos parents nous ont mis au monde, qu’ils ont été enterrés mais malheureusement certains emportés par la mer. C’est ici que nos enfants sont nés. Si nous quittons ici, à quel village allons-nous appartenir ? J’appelle les autorités à notre secours». «Djondji, c’est la terre de nos ancêtres et nous ne pouvons pas quitter ici. La mer était loin de nous quand moi j’étais enfant. Aujourd’hui, elle s’est rapprochée et nous envahie. Il faut que les autorités nous aident à trouver une solution», lance Samuel visiblement dépassé par le désastre. Un appel entendu puisque le président Boni Yayi  s’est rendu à Djondji  le 08 juin 2009 pour constater les dégâts de l’érosion côtière et apporter son soutien aux sinistrés. Selon les explications fournies au président Boni Yayi par les populations,  cette érosion est due à la fermeture de l’embouchure entre le fleuve Mono et l'océan Atlantique située dans ce village. «Si on procède à  l’ouverture de  l’embouchure du fleuve, on aura plus ce problème», a dit l’artiste musicien Ebawadé à Boni Yayi. Selon Gilbert Medjè,  président du Front Uni de lutte contre l’avancée de la mer (FULAM), une association  qui s’est battue pour faire arrêter le prélèvement du sable marin à des fins économiques, on ne doit pas s’arrêter seulement à l’ouverture de l’embouchure du fleuve. «L’ouverture de l’embouchure ne va faire que atténuer ou déplacer le phénomène. Il faut réaliser des épis le long de la côte béninoise depuis Cotonou Est jusqu’à Hilacondji», déclare-t-il. Une solution préconisée aussi par l’IIED face à la menace de l’érosion imputable aux changements climatiques.


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  • Santé maternelle au Bénin

     

    Séquestrés à la naissance à cause de 43.000 FCFA

     

    Au Bénin, il est de plus en plus difficile d’être papa quand on est trop pauvre. De nombreux nouveaux-nés sont souvent séquestrés pour contraindre les parents à payer les frais d’accouchement. C’est le cas de Valdez et Valdine, deux jumeaux prisonniers à la naissance avec leur maman  à cause de quarante trois mille (43.000) francs CFA soit  environ 66 euros.

     

    Christophe D. ASSOGBA

     

    Quand ils étaient encore dans le ventre de leur mère, Valdez et Valdine n’auraient jamais pensé vivre les premières heures de leur existence sur la terre en qualité de prisonniers. Et pourtant, les  deux jumeaux que dame Ghislaine Dossou-Yovo, 20 ans  a mis au monde entre 3 heures et 4 heures du matin le lundi 15 juin 2009  ont été des détenus quelques heures après leur naissance. En effet, Martin Aféto, 36 ans, docker, père des jumeaux et mari de Ghislaine était incapable de payer  les frais d’accouchement qui s’élèvent  à  43.000 FCFA soit  environ 66 euros. C’est ainsi que les deux nouveaux-nés et leur mère ont été faits otages par la sage-femme affectueusement appelée «Maman Ro». Celle-ci exige au père des enfants le payement de la totalité  des frais d’accouchement avant de libérer sa femme et ses enfants pour regagner leur domicile au quartier Fifadji dans le 9ème arrondissement de Cotonou, la métropole économique du Bénin. «Quand ma femme a accouché, j’avais seulement 1500 FCFA en  poche. Dans l’incapacité de payer les 43.000 FCFA de frais d’accouchement, la sage-femme séquestre ma famille. Ma femme et mes enfants sont envoyés au domicile de la sage-femme au quartier Sainte Rita avec la consigne ferme que quand je payerai, ils seront libres. Elle a fait prisonniers ma femme et mes enfants pendant une semaine», confie Martin Aféto. D’après ses explications, pendant leur détention au domicile de «Maman Ro», Ghislaine et ses nourrissons  étaient enfermé dans la maison et surveillés comme du lait sur le feu. Décidé à faire libérer sa famille et à laver la honte auprès de sa belle famille, Martin réussit à mobiliser 20.000 FCFA mais la sage-femme refuse de prendre cette somme et la lui jette à la figure. «J’ai fais le tour de la ville et j’ai pu trouver 20.000 francs pour qu’elle libère ma famille mais elle a refusé et rejeté l’argent estimant que je me moque d’elle. Cela m’a fait beaucoup mal mais…», déclare le pauvre docker qui dit n’avoir  pas baissé du tout les bras pour la libération de sa famille. «J’ai  enfin payé 35.000 FCFA avant qu’elle ne libère ma famille», a-t-il indiqué. Il ajoute : «Il me reste encore 8.000 FCFA à payer». Et tant que Martin ne va pas payer le reste, il ne pourra jamais rentrer en possession des fiches de naissance de ses jumeaux. La sage-femme a été très ferme et sans pitié dans ce sens, confie-t-il: «Elle m’a dit que si je ne paye pas les 8.000 francs, je ne pourrai pas prendre les fiches de naissance de mes enfants en vue de l’établissement de leurs actes de naissance à la mairie». Ce n’est pas la première fois que Martin est victime d’une telle situation. Quand Stéphane, son premier enfant est né, la même sage-femme avait confisqué la fiche de naissance de l’enfant pour le contraindre à payer la totalité des frais d’accouchement évalués à 30.000 FCFA. «A la naissance de Stéphane, témoigne-t-il, je n’avais pas aussi de l’argent pour payer les frais d’accouchement qui s’élevaient à 30.000 francs. J’ai donc payé un peu un peu. Mais elle avait confisqué la fiche de naissance. J’ai retiré la fiche de naissance huit mois plus tard. Il a fallu que je ramasse une tontine de 60.000 francs pour que je puisse payer la dette et établir un acte de naissance à mon enfant. C’est cette tontine qui m’a sauvé et j’ai pu établir un acte de naissance à Stéphane. Sans quoi, il ne peut pas commencer la maternel cette année». «Ma patronne travaille bien. Tout le monde le reconnaît. Mais elle est impardonnable lorsqu’il s’agit de son argent. Elle n’hésite pas à confisquer les fiches de naissance ou à garder les nouveaux-nés pour que leurs parents lui payent les frais d’accouchement avant de les libérer», témoigne sous anonymat une aide soignante membre du personnel soignant de la clinique de Maman Ro.

     

     

    Le privé aussi

    Martin est loin d’être le seul dans ce cas. De nombreux parents incapables de payer les frais d’accouchement sont victimes de cette pratique dans les hôpitaux publics. «Il y a beaucoup de femmes qui ont accouché et qui sont gardés ici parce qu’elles n’ont pas payé les frais d’accouchement. Elles sont nombreuses dans les salles d’hospitalisation des mères (bâtiment  B et D)», assure Jeannot Adelami, Aide de salle à l’Hôpital de la mère et de l’enfant Lagune de Cotonou (Homel). Il ajoute : «Dès que le  service social va payer les frais, elles seront libérées. Mais en  attendant l’étude de leur cas, elles sont gardées». Les dames rencontrées n’ont pas voulu témoigner de peur de faire pièce à leur dossier en étude au service social. «De plus en plus, des hommes de bonnes volontés et d’Organisation non gouvernementales (ONG) viennent contribuer pour la libération des indigents», confié Fagbohoun A.,  infirmier à Homel.

    La séquestration des bébés à la naissance pour contraindre les parents à payer les frais d’accouchement est une spécialité des hôpitaux publics. A preuve, en octobre 2007, n’eut été la réponse prompte et l’aide du Chef de l’Etat, Boni Yayi  à ses supplications sur la chaîne de télévision Canal 3 Bénin, les quadruplets que Julienne Hounsa avait accouché à l’hôpital de zone de Calavi auraient connu  le même sort que les jumeaux de Martin Aféto.  Mais le phénomène est présent également dans le secteur privé hospitalier. Combien de centre de santé privé s’adonne à une telle pratique. On ne peut connaître le nombre exact. Ce que nous savons, néanmoins, c’est en partie pour mettre fin à cette pratique que le gouvernement a décrété la gratuité de la césarienne dans les hôpitaux publics. S’il est vrai qu’avec la mise en vigueur depuis le 1er mai 2009 de  cette mesure sociale que le phénomène semble avoir baissé dans les hôpitaux publics, il n’en demeure pas moins des risques de contamination du privé. «Quand une structure publique séquestre les nouveaux-nés, n’aller pas demander au privé le contraire puisqu’il paye beaucoup de taxes à payer», affirme Martin Assogba, Président de Alcrer, une ONG qui s’investit dans la défense des droits humains, la lutte contre la corruption, la mauvaise gouvernance et la promotion des valeurs citoyennes au Bénin. «C’est l’irresponsabilité qui conduit les autres à séquestrer les mères et à violer les droits de la personne humaine», conclut  Martin Assogba. 


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  • Aéroports internationaux Jomo Kenyatta de Naïrobi et O. Tambo de Johannesburg

     

    Un havre d’hygiène

     

    Quand on arrive aux aéroports internationaux Jomo Kenyatta de Naïrobi et O. Tambo de Johannesburg, une particularité saute aux yeux. A la foule de voyageurs se mêle l’hygiène des lieux. Halls, couloirs, boutiques, salles d’embarquement et de débarquement et toilettes sont si propres, entretenus et assainis qu’on a envie d’y passer des jours.

     

    Christophe D. ASSOGBA

     

    “Sorry, can you clean your hand here”, a lancé à mon collègue Sierra léonais un agent d’hygiène dans l’une des toilettes de l’aéroport international Jomo Kenyatta de Naïrobi au Kenya (Afrique de l’Est) en apercevant qu’il avait fini d’uriner et se retirait sans se laver et essuyer les mains. Ce dernier s’est exécuté et a remercié l’agent avec un sourire aux coins des lèvres. On était le jeudi 10 septembre 2009. Nous revenions de Highway Africa  Conference 2009 tenu à Rhodes University à Grahamstown en Afrique du Sud. Mon collègue avec qui nous étions en transit via Naïrobi n’était pas la seule personne à qui l’agent avait rappelé le lavage et le séchage des mains après les toilettes. De nombreuses autres personnes ont été, avec courtoisie rappelée à l’ordre. J’ai observé les gestes de l’agent et j’ai compris qu’il n’y avait aucune raison de brûler une étape : se laver les mains après  un tour aux  toilettes constitue une règle à respecter dans cet aéroport international. Pour mieux comprendre comment on attache du prix à l’hygiène dans cet aéroport, j’ai parcouru quelques toilettes.  J’y ai rencontré également des agents qui circulent dans les couloirs des toilettes, enthousiastes, prêts à rappeler aux passagers ou aux usagers de l’aéroport les règles élémentaires d’hygiène en cas d’oubli ou de négligence de leur part. J’y ai aussi découvert dans les toilettes des urinoirs à jet d’eau automatique, des lave-mains munies de savon liquide, des chaufferettes. Il s’agit ni plus ni moins d’appareils modernes en matière d’hygiène.

    Mes enquêtes m’ont appris que  le respect des règles d’hygiène fait partie des contrats que tout passagers, visiteurs ou usagers de l’aéroport doit impérativement respecter. D’ailleurs, dans les toilettes, des messages accolés aux murs indiquent à tout le monde que l’hygiène est une règle de ce lieu, est la vie et qu’il faut toujours se laver les mains à la fin de chaque toilette.

    L’aéroport international Jomo Kenyatta de Naïrobi n’est pas le seul exemple. A l’aéroport international O. Tambo de Johannesburg, on y met du soin dans les toilettes équipées aussi d’appareils modernes d’hygiène. Dans ce grand aéroport, plus grand que Jomo Kenyatta Airport, quand une personne finie d’uriner dans l’urinoir, elle n’a pas besoin de se gêner  pour  faire disparaître l’urine. De façon automatique, l’eau jaillie des entrailles de l’urinoir et fait disparaître l’urine. Le même processus s’observe au niveau de la chaufferette. Le système  se déclenche de lui-même et en moins d’une minute, les mains s’assèchent. Pour laver les mains au savon, il suffit de presser un bouton pour recueillir du savon liquide dans la main. Et dès que vous placez vos mains au bout du robinet, l’eau jaillie par saccade. Le même constat a été fait à l’aéroport de Port Elisabeth, une ville de l’Afrique du Sud située au sud-est de ce  pays.

    Portes d’entrées et de sorties du pays, les aéroports internationaux Jomo Kenyatta de Naïrobi et O. Tambo de Johannesburg constituent respectivement un havre hygiène. Dans ces  endroits où transitent des milliers de voyageurs et par ricochet toutes sortes de maladies, il n’est pas un centimètre carré qui n’est nettoyé presque toutes les heures. Quant aux toilettes, non seulement elles sont nombreuses mais elles sont constamment nettoyées avec des produits désinfectants. Des agents veillent au grain et dès qu’ils constatent une saleté, ils s’empressent de le nettoyer. Pour Bay Bay Cissé, journaliste sierra léonais, ces lieux  sentent la propreté. «A tout bout de champ, les lieux sont nettoyés. Tellement les toilettes sont équipées,  propres et entretenues qu’on peut même dormir dedans», déclare-t-il.

    A Johannesburg comme à Naïrobi, l’hygiène, la propreté, reste ancrée dans les activités quotidiennes au niveau des aéroports. Dans de nombreux pays africains, la malpropreté tutoie encore le quotidien dans les aérogares. Il n’y  pas lieu d’avoir honte de le dire. C’est pourtant ce que Bay Bay et moi avions ressenti lorsqu’on s’exclamait face à l’hygiène qui entoure les activités au niveau des aéroports Jomo Kenyatta et O. Tambo. «J’ai honte de voir ce qui se fait ailleurs et que  nous n’arrivons pas à réaliser chez nous. Et pourtant, ce n’est pas les moyens qui nous manquent. Regarde comment l’aéroport est propre et assaini», ai-je reconnu. «Quand aurons-nous aussi des endroits aussi propres et entretenus dans nos pays ?», ai-je ajouté. En tous cas, le cas kenyan et sud africain constituent des exemples à suivre.


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    Décision Dcc 10-049

    Du 05 avril 2010

     

    La Cour Constitutionnelle,

    Saisie des requêtes :

    - du 22 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 004-C/057/REC, par laquelle Monsieur le Président de la République, sur le fondement de l'article 121 de la Constitution, d'une part, sollicite le contrôle de conformité à la Constitution de la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) votée par l'Assemblée Nationale le 18 mars 2010 et d'autre part, demande de déclarer contraire à la Constitution la loi déférée;

    - du 22 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 0534/058/REC, par laquelle Monsieur Rachidi GBADAMASSI, député à l'Assemblée Nationale, forme un « recours en inconstitutionnalité contre la loi du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi 2009-10 sur le RENA et la LEPI » ;

    - du 22 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat le 23 mars 2010 sous le numéro 0546j059jREC, par laquelle Monsieur Karimou CHABI SIKA, député à l'Assemblée Nationale, forme «un recours contre la Loi n°2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 pour violation du préambule de la Constitution, puis violation des dispositions des articles 4, 35, 124 et 147 de la Constitution »      ;

    - du 19 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat le 23 mars 2010 sous le numéro 0547/060/REC, par laquelle Monsieur Assouan C. Benoît DEGLA, député à l'Assemblée Nationale, forme un « recours en inconstitutionnalité» de la Loi n° 2010-12 votée par l'Assemblée Nationale le jeudi 18 mars 2010 ;

    - du 22 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat le 23 mars 2010 sous le numéro 0553/061/REC, par laquelle Monsieur Joseph H. GNONLONFOUN forme un « recours en inconstitutionnalité contre la Loi n° 2010-12 votée par l'Assemblée Nationale»;

    - du 23 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 0558/062/REC, par laquelle le parti Mouvement Espoir du Bénin (MEsB) représenté par Monsieur Martin AGOULOYE, son Secrétaire Général, forme un recours en inconstitutionnalité de l'abrogation de la Loi n° 2009-10 ... relative au Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) ;

    - du 24 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 0565/064/REC, par laquelle Monsieur Thomas C. AHINNOU, député à l'Assemblée Nationale, forme un recours « en inconstitutionnalité contre la loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 organisant le Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et établissement de la liste électorale permanente informatisée (LEPI) ;

    - du 21 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat le 26 mars 2010 sous le numéro 0583/066/REC, par laquelle Monsieur Taïo AMADOU, député à l'Assemblée Nationale, défère à la Haute Juridiction, pour inconstitutionnalité , la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée;

    VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;

    VU la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant Loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31 mai 2001 ;

    VU le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle;

    Ensemble les pièces du dossier ;

    Ouï Monsieur Bernard Dossou DEGBOE en son rapport;

    Après en avoir délibéré,

    Considérant qu'au soutien de sa demande de déclarer contraire à la Constitution la loi déférée en contrôle de conformité à la Constitution, Monsieur le Président de la République expose :

    « 1°) Remise en cause du principe constitutionnel de la transparence.

    II est unanimement acquis que la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) est un instrument de garantie d'élections transparentes et sincères. L'abrogation de la Loi n°2009-10 du 13 mai 2009 remet en cause le souci de transparence et la sincérité qui a guidé son vote.

    La reconnaissance de la transparence par les décisions DCC 34-94 du 23 décembre 1994, DCC 00-78 du 07 décembre 2000 et DCC 01-011 du 12 janvier 2001 comme principe à valeur constitutionnelle n'est pas sans conséquence sur le législateur. C'est une obligation, sauf à encourir une censure à laquelle le législateur ne devra point se soustraire. II en résulte qu'en abrogeant totalement la loi censée garantir ces deux principes constitutionnels de transparence et de sincérité, l'Assemblée Nationale a violé la Constitution.

    2°) Remise en cause d'un acquis démocratique

    En votant la loi sur la LEPI, le législateur béninois a fait réaliser un bond qualitatif au processus électoral dans notre pays.

    En effet, jusqu'à la promulgation de la Loi 2009-10 du 13 mai 2009 portant- organisation du Recensement Electoral National Approfondi et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée, les élections au Bénin se déroulaient sur la base des listes manuscrites confectionnées par la CENA à chaque élection de façon artisanale, dans un délai extrêmement court, rendant ainsi impossible toute vérification de leur fiabilité, ce qui nourrit la fraude en aval.

    L'inscription des électeurs était une source majeure d'irrégularité s que la Cour Constitutionnelle a toujours relevées à chaque élection (inscriptions multiples, inscriptions de mineurs, inscriptions fictives, inscriptions d'étrangers, inscriptions de personnes inéligibles à la qualité d'électeurs etc.).         

    Ces fraudes massives étaient du reste contraires aux principes de la transparence et de la fiabilité garantis par les articles 4 et 5 des protocoles de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance.

    S'il n'est pas contesté que le législateur est libre d'abroger, modifier une loi antérieure ou y déroger, il ne saurait pour autant remettre en cause un acquis démocratique. Le législateur ne peut modifier ou abroger les dispositions d'une loi protectrice et garante de l'Etat de droit démocratique qu'en améliorant, en renforçant les principes de transparence et de fiabilité et non les restreindre ou les supprimer.

    Par conséquent, l'abrogation qui fait disparaître totalement la loi sur la LEPI entraîne du coup la disparition subséquente des principes de garantie démocratique sus-énoncés.

    3°) Remise en cause des engagements internationaux

    Suite à la décision de conformité et à la promulgation de la Loi 2009-10 qui s'en est suivie, mon gouvernement, avec le concours des partenaires étrangers, a réussi à mobiliser d'importantes ressources financières pour sa mise en œuvre.

    Cette loi connaît sa phase active d'application avec les différentes opérations déjà engagées par la CPS et la MIRENA. De même, le processus d'appropriation des différentes dispositions de ladite loi engagé par la plupart des Institutions de la République, les partenaires étrangers, les médias, les organisations de la société civile etc ... se trouve anéanti par l'effet de cette abrogation.

    Conformément à l'article 41 alinéa 2 de la Constitution, le Président de la République est garant " ... des traités et accords internationaux" . Par cette abrogation, il est porté atteinte à la disposition de l'article 41 alinéa 2 sus-énoncée» ; qu'il demande en conséquence à la Haute Juridiction de déclarer la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la LEPI contraire à la Constitution en ce qu'elle viole les principes constitutionnels sus évoqués;

    Considérant que Monsieur Rachidi GBADAMASSI expose quant à lui: «La Loi soumise à votre examen est contraire à la Constitution en ce qu'elle remet en cause le principe de transparence, une avancée démocratique ainsi que les engagements internationaux pris par le Bénin;

    I)                  La remise en cause du principe de transparence

    La transparence est un principe à valeur constitutionnelle, conformément à une jurisprudence bien établie. En effet, par décisions DCC 00-78 du 7 décembre 2000 et DCC 01-011 du 12 janvier 2001 relatives aux modalités de désignation par les députés, la Cour a jugé "qu'il faut tenir compte de la configuration politique pour assurer la participation de toutes les forces politiques représentées à l'Assemblée Nationale et pour garantir la transparence .... ".

    La Loi n° 2009-10 sur le RENA et la LEPI, votée en toute responsabilité et connaissance de cause dans sa large majorité, constitue un instrument de garantie de fiabilité des élections. Elle apporte plus de transparence au processus électoral au Bénin. Son abrogation porte atteinte au principe constitutionnel de transparence.

    De ce chef, la Loi du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 sur le RENA et la LEPI doit être déclarée contraire à la Constitution.

    II) La remise en cause d'une avancée démocratique

    Dans sa fonction législative, l'Assemblée nationale est souveraine. II lui est loisible de voter, de modifier ou d'abroger toute loi. Mais le législateur ne saurait exercer sa fonction législative souveraine sans respecter la Constitution, en remettant en cause une avancée et un acquis démocratiques.

    La Juridiction constitutionnelle peut déclarer contraire à la Constitution une nouvelle loi pour la simple raison qu'elle ne maintient pas les garanties issues de règles qui existaient dans un texte ancien que la nouvelle loi modifie, remplace ou abroge. Cette jurisprudence de l’"effet-cliquet" inaugurée par le Conseil constitutionnel français n'admet des modifications à ces garanties que dans le sens d'une plus grande et meilleure protection. Le législateur ne peut donc les modifier ou les abroger que pour accroitre les avancées démocratiques et non pour les restreindre. Ainsi, la "roue" des garanties démocratiques comporte un "cliquet" qui l'empêche de revenir en arrière.

    Le simple vote de la Loi sur le RENA et la LEPI est une avancée et un acquis démocratiques.

    La simple abrogation de ladite Loi, c'est-à-dire sa suppression pour l'avenir, est une remise en cause d'un acquis démocratique, et par conséquent du principe à valeur constitutionnelle de transparence.

    Si votre Juridiction déclare la Loi sous examen conforme à la Constitution, le RENA et la LEPI n'auraient aucune existence légale. Ce qui constituera un vide juridique en attendant le vote hypothétique et éventuel d'une autre loi modificative. L'abrogation de la Loi sur le RENA et la LEPI et la promesse d'une éventuelle loi modificative reposent sur un hiatus: comment peut-on modifier une loi déjà abrogée? En tout état de cause, votre Juridiction n'est saisie que de la Loi du 18 mars portant abrogation de la Loi n° 2009-10 sur le RENA et la LEPI. Par conséquent, votre Juridiction n'est saisie que de la Loi abrogative et doit s'en tenir à la situation juridique consécutive à l'abrogation.

    De ce chef, la Loi du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 sur le RENA et la LEPI doit être déclarée contraire à la Constitution.

    III) La remise en cause des engagements internationaux

    Le vote de la Loi sur le RENA et la LEPI a conduit le Gouvernement béninois à s'engager auprès des institutions internationales et des partenaires au développement qui ont financé le processus de réalisation. Si le processus devait s'arrêter, le Gouvernement béninois n'honorerait pas ses engagements.

    Ce qui remettrait en cause la "parole" du chef de l 'Etat vis-à-vis des institutions internationales et des partenaires au développement. Or, le Président de la République est garant, conformément à l'article 41 alinéa 2 de la Constitution, des traités et accords internationaux. Par conséquent, la Loi du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi 2009-10 sur le RENA et la LEPI doit être déclarée contraire à la Constitution de ce chef» ;

    Considérant qu'en ce qui le concerne, Monsieur Karimou CHABI SIKA expose : « •••

    A- Sur la violation de l'article 35 de la Constitution

    S'il est incontestable que la prérogative première d'un député est de voter la loi, il y a cependant lieu d'observer que l'usage abusif de ce droit peut être sanctionné par la Cour Constitutionnelle.

    En l'espèce, le vote émis par les députés le 18 mars 2010 viole les dispositions de l'article 35 de la Constitution aux termes desquelles "les citoyens chargés d'une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l'accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l'intérêt et le respect du bien commun".

    En effet, pour soutenir l'abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée, les députés ont argué de ce que:

    "1. La MIRENA, organe technique de réalisation de la LEPI n'a pas été "mise à même d'assumer ses fonctions légales, la Commission Politique "de Supervision (CPS) s'étant substituée à elle;

    "2. Les multiples réactions et suggestions d'une bonne partie significative "de la el asse politique pour que la réalisation de la LEPI se fasse dans "un esprit consensuel en vue d'en assurer la crédibilité, sont restées sans "échopratique tant au niveau de la direction de la CPS que du "Gouvernement, qui préfère se comporter comme si la LEPI était un "instrument à son service exclusif;

    "3. Les dérives de la CPS, totalement en marge de la lettre et de l'esprit "de la loi et qui traduisent une volonté de passage en force, ont "engendré une forte résistance de la part de la plupart des "Commissions Communales de Supervision (CCS), compromettant du "coup la réussite de l'élaboration d'une LEPI crédible".

    De façon claire, trois principaux motifs ont été allégués à l'appui de la proposition de loi abrogative. Selon les députés:

    - la CPS se serait substituée à la MIRENA ;

    - la CPS serait restée insensible aux multiples réactions et suggestions d'une certaine classe politique;

    - les dérives de la direction de la CPS seraient en marge de la lettre et de l'esprit de la loi.

    Sans préjuger de l'effectivité ni de la pertinence de tous ces griefs, force est de constater qu'ils ne se rapportent qu'à la manière dont la CPS et sa direction assument les attributions que la loi leur a conférées.

    Ce faisant, si ces griefs étaient avérés, ils appelleraient à la limite, non pas une abrogation de la loi, mais plutôt sa modification par des dispositions nouvelles destinées à préciser et/ ou limiter les attributions de la CPS.

    Le devoir d'accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté la fonction politique imposé par l'article 35 de la Constitution exige une approche concrète et objective; tout subjectivisme et absence de preuve éloignent manifestement de la conscience, de la compétence, de la probité, du dévouement et de la loyauté puis confinent en un abus.

    Tel est malheureusement le grief qu'il convient de faire aux députés qui ont usé de leur droit de vote des lois que leur confère la Constitution pour poser un acte contraire à la finalité assignée par le créateur du droit et à l'esprit de la Constitution.

    II y a manifestement dans l'expression de leur vote, un abus de droit, en l'espèce, un dépassement des limites de leurs prérogatives de législateur parce que ledit vote est anormalement disproportionné et contraire aux finalités qu'auraient dû appeler les arguments développés.

    II s'ensuit que ce sont d'autres considérations qui ont présidé au vote du 18 mars 2010 et, fatalement, les députés ont ainsi manqué à leur obligation de "loyauté dans l'intérêt et le respect du bien commun" que leur prescrit l'article 35 de la Constitution du 11 décembre 1990.

    La Haute Cour devra en conséquence les sanctionner en déclarant leur vote et la loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010 contraires à la Constitution.

    B- Sur la violation de l'article 124 de la Constitution

    L'article 124 alinéa 2 de la Constitution du 11 décembre 1990 dispose que "les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours".

    La Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée a été soumise au contrôle de constitutionnalité puis a été déclarée conforme à la Constitution suivant décision DCC n° 09-063 du 13 mai 2009.

    Elle est donc applicable et n'est plus susceptible d'aucun recours.

    Au regard de l'exposé des motifs rappelés ci-dessus, la loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010 participe d'une fraude à la loi constitutionnelle visant à remettre en cause la décision DCC n° 09-063 du 13 mai 2009.

    En conséquence, déclarer cette loi abrogative conforme à la Constitution, reviendrait à :

    - annihiler tout le sens et la force conférée par l'article 124 ci-dessus cité aux décisions de la Cour constitutionnelle ;

    - donner sa caution à la tentative de remise en cause de l'ordre constitutionnel établi, c'est-à-dire avaliser un véritable coup d'Etat constitutionnel.

    Il sied donc de dire que de ce chef également, les députés, en votant la Loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010, ont violé la Constitution.

    C- Sur la violation de l'article 147 de la Constitution

    La Loi n°2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée est une loi spéciale qui traduit la volonté nationale et internationale de doter le Bénin d'un outil de développement.

    II a été rappelé ci-dessus que notre pays est engagé dans ce processus avec des partenaires techniques et financiers qui ont déjà exécuté, sur la base de la Loi n° 2009-10 sus-citée, leur part d'obligation à hauteur de la somme de 29 696 769 $ US soit en contre partie F CFA 13 908 570 851.

    Or, l'article 147 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 dispose que "les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie".

    II s'ensuit que mettre à néant la loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 constituerait une violation de l'article 147 ci-dessus puisque "l'autre partie c'est-à-dire le cocontractant de l'Etat béninois qu'est la communauté internationale représentée par le PNUD, a déjà mis en application les conventions signées.

    Par ailleurs l'article 5 du Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO auquel le Bénin est astreint de par la ratification du traité de la CEDEAO signé à Cotonou le 24 juillet 1993 dispose que "les listes électorales sont établies de manière transparente et fiable avec la participation des partis politiques et des électeurs qui peuvent les consulter en tant que de besoin ".

    Dans la même veine, l'article 4 dudit Protocole prescrit à chaque Etat membre de "s'assurer de l'établissement d'un système d'état civil fiable et stable" et de mettre en place un état civil central.

    Tel est justement l'objet de la loi n° 2009-10 du 13.mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée.

    En d'autres termes, la loi dont l'abrogation est sollicitée n'est qu'une parfaite opérationnalisation du Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO en ce sens qu'elle contient des dispositions permettant d'obtenir un fichier électoral fiable et sécurisé, un état civil central stable et fiable ainsi que l'exige ledit Protocole.

    Ne pas censurer la loi abrogative, c'est autoriser alors les députés à violer le Protocole A/SPI/12/01 de la CEDEAO et par conséquent l'article 147 de la Constitution qui consacre la suprématie de la norme supranationale sur la norme juridique nationale.

    D- Sur la violation du préambule et de l'article 4 de la Constitution

    La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 met en relief dans son préambule l'attachement de notre peuple aux principes de la démocratie et des droits de l'Homme tels qu'ils ont été définis par la Charte des Nations-Unies de 1945, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples adoptée en 1981 par l'OUA puis ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986.

    II s'ensuit donc que l'ensemble des dispositions de ces textes internationaux font partie intégrante de la Constitution béninoise et ont une valeur supérieure à la loi interne.

    Au nombre des droits fondamentaux de l'Homme, figure en bonne place le droit de vote.

    Le vote constitue en soi un des fondamentaux des principes de la démocratie; ce faisant, exprimer son vote de manière claire, dans la transparence, est essentiel pour le citoyen ce d'autant que l'article 4 de la Constitution du Il décembre 1990 édicte que le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum.

    II est donc indispensable pour le législateur de prendre des mesures visant à traduire fidèlement la volonté du peuple exprimée au moyen du vote. Cela suppose en amont que la liste électorale soit fiable, crédible et sincère.

    C'est justement pour favoriser l'exercice de ce droit fondamental réclamé et acquis depuis lors que la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée a été votée.

    II va sans dire que la lettre et l'esprit de cette loi sont dans une dynamique positive de promotion des droits garantis et protégés par la Constitution.

    Grâce à cette loi, le citoyen béninois a acquis le droit essentiel et important de se faire dénombrer, de se faire identifier, de se faire recenser puis de voter, sans aucun risque d'erreur portant sur sa personne, pour le choix de ses représentants chargés d'exercer en son nom et pour son compte la souveraineté dont il est le seul détenteur.

    La loi abrogative n°2010-12 du 18 mars 2010 vient lui retirer ce droit acquis et dans ce sens, elle constitue un recul par rapport aux acquis conférés par le préambule de la Constitution en même temps qu'elle empêche l'exercice efficace par le peuple de sa souveraineté conformément aux dispositions de l'article 4 de la Constitution.

    Sous cet aspect, la loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010 est contraire à la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 » ; qu'il conclut: « au bénéfice de ces observations, je prie la Haute Cour de dire que les députés, en votant la loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010, ont violé la Constitution et que cette loi également est contraire à la Constitution béninoise du 11 décembre 1990» ;

    Considérant que Monsieur Assouan C. Benoît DEGLA expose quant à lui: « Je vous prie ... de déclarer cette loi contraire à la Constitution en ce que:

    - la session extraordinaire au cours de laquelle elle a été votée est viciée;

    - elle est basée sur un exposé des motifs qui abuse du droit de législateur ;

    - elle s'oppose à l'exercice de la souveraineté du peuple béninois et vise à consacrer l'opacité de la liste électorale au mépris du principe de fiabilité et de transparence consacré par le Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO ;

     

    I-  SESSION EXTRAORDINAIRE VICIEE

    1.1. Rappel des faits

    L'honorable TIDJANI SERPOS, député à l'Assemblée nationale et vingt trois autres de ses collègues ont déposé décembre 2009 sur le Bureau du Président de l'Assemblée nationale, la proposition de loi portant abrogation de la loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée en date du 28 décembre 2009 enregistrée sous le numéro 2243 ...

    Suite à ce dépôt de proposition de loi, une demande convocation de session extraordinaire en date du 20 janvier 201 t été déposée le même jour et enregistrée sous le n° 137 ... avec ordre du jour : étude et adoption de la proposition de loi porta abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portai organisation du recensement électoral national approfondi 1 établissement de la liste électorale permanente informatisée.

    Le 26 janvier 2010, sous le numéro 0108, une autre demande de convocation de session extraordinaire a été déposée par les mêmes députés sur le même ordre du jour à savoir : étude et adoption de la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée ...

    La première demande de session extraordinaire a été étudiée à la Conférence des Présidents tenue le mardi 26 janvier 2010 au Palais des Gouverneurs à Porto-Nova ... II ressort clairement du compte rendu de la réunion de cette Conférence des Présidents que certaines signatures portées sur la demande de convocation de session extraordinaire ... sont irrégulières. C'est d'ailleurs pour couvrir cette irrégularité que les mêmes députés ont introduit le 26 janvier 2010 une autre demande sur le même objet ... Malheureusement pour eux, même la deuxième demande de convocation de session extraordinaire ... qui était supposée corriger les irrégularités de la première demande comporte aussi des signatures falsifiées. En effet, la seconde demande  été signée deux fois par l'honorable AHLONSOU Amoudatou, avec deux signatures différentes…

    1.2. Sur le fondement juridique d'une demande de session extraordinaire

    L'article 5 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale dispose : "Conformément à l'article 88 de la Constitution, l'Assemblée nationale est convoquée en session extraordinaire par son Président sur un ordre du jour déterminé, à la demande du Président de la République ou à la majorité absolue des députés".

    Dans le cas en discussion, si l'on admet que la première condition (un ordre du jour déterminé) est remplie, il est établi que la seconde condition (à la majorité absolue des députés) ne paraît pas remplie en raison de quelques irrégularités constatées au niveau des signatures recueillies de telle sorte que le quorum requis pour la demande de convocation d'une session extraordinaire n'est pas atteint.

    En effet, de- mes investigations personnelles, il a été établi que des députés absents du territoire national ont eu leurs noms et signatures portés sur la première demande. On peut citer les noms des députés comme Georges BADA et Augustin AHOUANVOEBLA. D'autres signatures, selon les déclarations du Président de l'Assemblée nationale aussi bien en plénière qu'en Conférence des Présidents ne sont pas conformes.

    En conclusion, les irrégularités ainsi relevées mettent en doute la majorité absolue exigée par le Règlement intérieur, puisque plus d'une dizaine de signatures sont concernées, ramenant ainsi à 34 au lieu de 42 au moins, le nombre de députés signataires de la demande de convocation de la session extraordinaire qui a conduit à l'adoption le jeudi 18 mars 2010 de la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée. La convocation de cette session est donc viciée; ce qui constitue une violation des articles 35 et 88 de la Constitution et de l'article 5 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale.

     

    II- DES VIOLATIONS DE LA CONSTITUTION

    2.1. De l'opposition à l'exercice de la souveraineté du peuple

    L'article 3, alinéa 1er de la Constitution dispose : "La souveraineté nationale appartient au Peuple. Aucune fraction du Peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association politique, aucune organisation syndicale ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice".

    L'article 4, alinéa 1er de la Constitution dispose: "Le Peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum. Les conditions de recours au référendum sont déterminées par la présente Constitution et par une loi organique".

    Depuis l'adoption en 1990 de la Constitution de la République du Bénin, il n'a toujours pas été possible au Peuple, comme le dispose notre Constitution, d'exercer sa souveraineté par voie de référendum. La loi organique prévue à l'article 4 de la Constitution n'existe toujours pas, après vingt années de vie démocratique sous l'empire de cette Constitution. De fait, le législateur béninois prive son Peuple de l'exercice de sa souveraineté par voie directe. Il ne lui reste que la voie de souveraineté indirecte.

    La seule voie qui reste possible au Peuple béninois pour exercer sa souveraineté est celle de la souveraineté par ses représentants élus. Mais la condition sine qua non de l'exercice effectif de cette souveraineté indirecte, reste le choix de ses représentants élus par l'organisation des élections de manière honnête et transparente. Une élection ne peut pas être honnête et transparente sans une liste électorale établie de manière transparente et fiable, c'est-à-dire une liste électorale permanente informatisée (LEPI).

    L'abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée (LEPI) rétablit de facto le cadre légal des listes électorales manuscrites périodiques (LEMP). Les listes électorales manuscrites périodiques sont établies avant chaque élection, dans un délai extrêmement court, rendant ainsi impossible toute vérification de leur fiabilité, ce qui nourrit la fraude en aval.

    L'inscription des électeurs était une source majeure d'irrégularité s que la Cour Constitutionnelle a toujours relevée à chaque élection (inscriptions multiples, inscriptions de mineurs, inscriptions fictives, inscriptions d'étrangers, inscriptions de personnes inéligibles à la qualité d'électeurs, etc ... ).

    Accepter donc l'abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 telle que l'a votée la Représentation Nationale serait une constitutionnalisat ion de la fraude électorale et par ricochet un déni d'exercice effectif de droit de souveraineté indirecte. II se déduit de tout ce qui précède, que l'abrogation de la Loi n° 2009­10 du 13 mai 2009 viole les articles 3 et 4 de la Constitution.

    2.2 Du droit d'électeur factice

    L'article 6 de la Constitution dispose : "Le suffrage est universel, égal et secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux béninois des deux sexes, âgés de dix huit ans révolus, et jouissant de leurs droits civils et politiques ".

    Dans nos lois électorales, en situation d'absence de document d'état civil, les requérants sont inscrits sur listes électorales manuscrites périodiques (LEMP) sur la base de témoignage du Chef de village ou du Chef de quartier de ville ou son représentant. La pratique a prouvé que ces dispositions légales qui régissent le témoignage sont factices. Elles ne sont pas appliquées pour diverses raisons connues dont la difficulté voire l'impossibilité à un Chef de village ou à un Chef de quartier de ville de connaitre, pour pouvoir témoigner, tous les citoyens béninois vivant sur son territoire. Or, en plus des autres conditions que pourrait fixer la loi pour être électeur, la Constitution en son article 6 a fixé quatre conditions:

    1- Etre de nationalité béninoise;

    2- Etre âgé de dix huit ans révolus;

    3- Jouir de ses droits civils;

    4- Jouir de ses droits politiques.

    De ce point de vue, toute loi qui contribue à l'effectivité de la mise en œuvre de ces quatre conditions constitutionnelles est une avancée démocratique qui établit une sécurité juridique. Dans un pays à population majoritairement analphabète comme le Bénin, toute avancée juridique allant dans le sens de la promotion de l'Etat de droit doit être protégée par la Cour Constitutionnelle.

    La Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée contient des dispositions qui constituent une avancée dans l'établissement de l'état civil nécessaire à la production de listes électorales fiables et transparentes. Il est utile dans ce cens, de rappeler les articles 4, 7, 25,26 et 64 de la Loi n° 2009-10.

    L'article 4 de la Loi n° 2009-10 dispose :

    "La liste électorale permanente informatisée fait l'objet d'un apurement, d'une mise à jour régulière de ses données constitutives et d'une révision globale à périodes régulières.

    • Les opérations d'apurement concernent :

    1- La rectification des erreurs matérielles ;

    2- La radiation suite aux décès, aux décisions issues des recours, aux émigrants non enregistrés dans les ambassades et consulats ou aux conséquences du déboulonnage.

    • La mise à jour porte sur:

    1- L'intégration des électeurs ayant atteint l'âge de voter, des électeurs naturalisés au cours de l'année et des électeurs immigrants en République du Benin au cours de l'année et remplissant les conditions requises pour être électeurs;

    2- Le transfert de résidence principale ou de domicile, le changement de lieu d'affectation pour les électeurs assignés à une résidence obligatoire, l'émigration d'électeurs enregistrés auprès d'une ambassade ou consulat de la République du Bénin.

    • La révision globale consiste en une opération de renouvellement et de réactualisation des données tous les dix ans".

    Les informations qu'il est permis de collecter dans le cadre de la mise en œuvre de l'article 7 de cette loi couvrent largement tous les besoins en matière d'établissement des documents d'état civil.

    L'article 24 relatif à la cartographie censitaire apporte une innovation majeure: l'attachement de chaque électeur à un ménage. II ne saurait y avoir sur la liste électorale permanente informatisée de nationaux béninois tels que dispose l'article 6 de la Constitution sans que l'on ne puisse les identifier par leur ménage, donc leur résidence ou domicile. Sur les listes électorales manuscrites périodiques, les nationaux béninois sont sans domicile fixe "SDF", ce qui entretient et facilite l'inscription de nationaux béninois fictifs.

    Le même article a prévu l'enregistrement des coordonnées GPS des bureaux et centres de vote. Cette mesure permet désormais une traçabilité des bureaux et centres de vote que les protagonistes du système politique peuvent vérifier à loisir. En d'autres termes, si un bureau ou un centre de vote existe, n'est donc pas fictif, c'est que l'on peut le retrouver de par sa position géographique sur le globe terrestre (le GPS étant connu pour déterminer la position des objets situés sur la terre avec une précision de l'ordre du centimètre).

    L'article 25, contrairement aux lois électorales appliquées depuis le renouveau démocratique, introduit un autre mode de témoignage, le témoignage fait par le Chef de ménage. De même, le même article introduit le numéro de ménage. Cette numérotation de tous les ménages du pays apporte un important renforcement à la transparence de la liste électorale. En effet, l'article 25 de la loi dispose que : " Il s'effectue sur présentation d'un document d'état civil : carte nationale d'identité, carte d'identité militaire, passeport, acte de naissance ou jugement supplétif, Livret de pension civile ou militaire, carte consulaire, livret de famille.

    En cas d'absence d'un document d'état civil, le recensement se fait sur simple déclaration sur l'honneur de l'individu et sur témoignage du chef de la concession ou du ménage ou de leur représentant. Le cas échéant, l'intéressé signe ou appose son empreinte digitale sur le formulaire de déclaration sur l'honneur et de témoignage…

    - numéro du ménage ;

    …."

    L'article 26 dispose que :

    Il permet :

    * de capturer la photo ;

    *de capturer les empreintes digitales des deux mains;

    *d'enregistrer des informations alphanumériques

    *complémentaires à savoir:

    *la couleur des yeux ;

    *la couleur des cheveux ;

    *le teint;

    *les signes particuliers (cicatrices et autres) ;

    * la taille.

    Nul ne peut être enregistré plus d'une fois. "

    L'article 26 prévoit la capture des photos numériques. La photo servira à la fabrication des cartes d'électeurs. Les" listes électorales vont contenir les données alphanumériques mais aussi les photos de chaque électeur. Il est évident que, même pour des citoyens analphabètes, la photo deviendra un moyen de détection de fraude.

    L'enregistrement des empreintes digitales permet d'assurer le déboulonnage. L'état actuel de la technologie biométrique permet de détecter les inscriptions multiples avec une précision allant de l'ordre d'une erreur de faux doublon sur une population de cent milliards de personnes. Pour donc la population béninoise qui avoisine huit millions (en ajoutant les enfants de 0 à 8), on peut espérer que c'est la fin des inscriptions multiples ou fictives.

    De tout ce qui précède, il est établi à suffisance, que la LEPI n'est pas seulement un instrument de transparence dans la confection de listes électorales, mais c'est aussi un outil qui permet d'assurer, à terme, l'établissement d'un système d'état civil fiable et stable. C'est à cette condition que l'on assure le respect des normes juridiques édictées par l'article 6 de la Constitution.

    Eu égard à tout ce qui précède, l'abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 s'oppose à l'application effective des dispositions de l'article 6 de la Constitution. Elle veut maintenir factices les normes édictées par la Constitution relatives au droit d'électeur. Cette abrogation est donc contraire à la Constitution.

    2.3. De l'abus du droit de législateur

    La proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009, du Député Ismail TIDJANI -SERPOS et 23 autres députés pose des problèmes de fond. En effet, l'article 74.7. alinéa 1 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale dispose:

    "Les projets de lois, propositions de lois et les propositions de résolution doivent être formulés par écrit, précédés d'un titre succinct et d'un exposé des motifs".

    Si cette initiative parlementaire ne pose pas de problème de forme, elle ne manque pas de poser de sérieux problèmes de fond. En effet, l'alinéa 1 de l'article 74.7. du Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale montre bien que l'exposé des motifs fait partie intégrante de l'initiative d'une loi. C'est lui qui permet d'articuler l'argumentaire pour justifier et convaincre quant à l'utilité et à la pertinence d'une loi.

    De l'avis d'observateurs extérieurs de l'évolution du système politique béninois, l'idée se dégage que depuis l'avènement du renouveau démocratique, après l'historique conférence des forces vives de la Nation, c'est la réalisation de la LEPI qui se profile à l'horizon comme événement phare susceptible d'avoir à nouveau un retentissement de portée régionale voire internationale. Dans le contexte politique béninois, la LEPI est comme une révolution. Un contexte marqué par le paradoxe béninois : une vie démocratique pluraliste qui s'enracine au


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