• Tic au Bénin
    Un luxe pour les journalistes
    Les nouvelles technologies de l'information et de la communication demeure toujours un luxe pour les journalistes béninois tout comme le téléphone portable pour les populations.

    Christophe D. ASSOGBA
    Ludo travaille dans un canard de Cotonou. Chaque jour, il écrit ses articles sur feuille avant de les déposer pour la saisie. «Je ne sais pas saisir un texte ni naviguer sur Internet pour copier des informations se plaint-il. Malgré les ordinateurs à ma port »e, j'ai du mal à toucher à la souris». Qu'on le veuille ou non, les Tic font désormais partie de la vie. «Depuis quelques années, cette technologie est devenue une norme sociale», affirme le président de Amazone industrie, un spécialiste des Tic au Bénin. Les Tic ont souvent suscité une curiosité. «Mieux vaut mourir que de vivre ignorant», dit un proverbe africain. Au Bénin, le désintérêt pour les technologies de l'information et de la communication est très répandu dans le rang des journalistes. Ludo n'est que l'un des nombreux journalistes qui ne savent pas utiliser les Tic. On ne sait pas au juste combien sont dans le cas mais ils sont estimés à des dizaines de professionnels des médias et leur nombre augmente parce que les jeunes qui entrent dans la profession ignorent tout des Tic. Peu de professionnels des médias savent traiter un texte sur ordinateur. Dans les rédactions de la place, la majorité des journalistes continuent d'écrire leurs articles sur feuilles qu'ils déposent pour la saisie. Les seuls journalistes qui ont une certaine connaissance des Tic sont le plus souvent les chefs d'édition ou les secrétaires de rédaction. Dans certaines rédactions, c'est une obligation depuis quelques temps pour les journalistes d'aller sur la machine pour saisir leurs articles. «Chez moi, tout le monde est tenu de maîtriser l'outil informatique, le journaliste doit pouvoir au moins taper sur le clavier et manier la souris», a lâché Fernando Hessou, directeur de publication de Le point au Quotidien. « A la création de mon canard, j'ai refusé de recruter des opératrices de saisie pour contraindre mon personnel journaliste à l'utilisation du parc informatique», a déclaré le Directeur de publication d'un autre canard de Cotonou visiblement satisfait. L'une des nombreuses différences entre les journalistes étrangers surtout des pays développés et leurs confrères béninois sur le plan des nouvelles technologies tient au fait que les premiers maîtrisent parfaitement les Tic tandis que les seconds les ignorent presque. «Au cours d'un séminaire à Bamako, tous les journalistes présents avaient devant eux un ordinateur portable. J'étais le seul à ne pas en disposer dans la salle. D'ailleurs même si j'en avais un, je ne pouvais pas l'utiliser faute de sa maîtrise», confie Gérard Guédégbé, journaliste indépendant. Le phénomène est plus criard dans le secteur de l'audiovisuel. Les journalistes dans les radio et télévision de la place n'ont presque pas accès à l'outil informatique. Le traitement de l'information se fait à la main. Les émissions se préparent sur feuille. Le journal parlé et télévisé est rédigé à la main. D'ailleurs, il ne peut en être autrement, car il y a très peu de station numérique au Bénin. Aussi, la navigation sur Internet constitue-t-elle un casse-tête chinois pour les journalistes béninois. La plupart n'ont pas une adresse électronique ou courriel. Ceux qui en disposent, consultent leur boîte électronique très rarement. Au bout de quelques temps, ces boîtes sont simplement fermées par les sites qui les hébergent. Si vous envoyez un message par un Internet à un journaliste béninois, soyez rassuré qu'il ne vous répondra pas dans le délai voulu ou du tout pas. Par contre, les professionnels des médias au Bénin préfèrent le Gsm sur les autres nouvelles technologies. La grande majorité des journalistes ont un téléphone portable abonnés à l'un des quatre opérateurs Gsm sur le marché. Malgré la cherté des prestations des quatre opérateurs Gsm, certains ont en service deux voire trois lignes mobiles.

    Mieux vaut prévenir que guérir
    On définit les Tic comme tout ce qui a rapport à l'informatique. Celui-ci est la base même des Tic. Les technologies de information et de la communication englobent l'ensemble de tous les moyens qui permettent un accès facile et rapide à l'information et à la communication et à son traitement. En fait, les Tic sont venues démocratiser les anciennes technologies. Les Tic sont des outils qui existaient mais qui n'étaient pas accessibles à tout le monde. Aujourd'hui, elles ont un caractère public. Tout le monde peut en disposer. La révolution numérique a gagné tous les secteurs d'activités humaines. La presse, maillon essentiel de la société ne saurait rester en marge des technologies nouvelles. A ce titre, les journalistes béninois ne doivent non plus rester en marge de cette technologie. Ils ont tout intérêt à s'y adapter. «Les médias béninois seront plus professionnel à condition que les animateurs s'approprient les technologies de l'information et de la communication. C'est une donnée incontournable», déclare Hypolithe Amoussou, consultant en Tic. Mieux vaut donc prévenir que guérir. Selon lui, la professionnalisation de la profession passe inéluctablement par la maîtrise des Tic. «Le journaliste a beau savoir écrire un article, s'il ne sait pas manier la souris et taper sur un clavier il ne peut se targuer d'être un professionnel», conclu-t-il.


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  • Téléphone portable au Bénin

    Un ami plus qu'un ennemi

    Le téléphone mobile n'est plus un luxe pour les populations béninoises. Mais un outil incontournable.

    Christophe D. ASSOGBA

    Marc, 30 ans vit au Canada. Sa mère décède d'une crise cardiaque à Cotonou, à des milliers de kilomètres de son lieu de travail. «C'est grâce à un coup de fil reçu de mon frère sur mon portable, confie-t-il, que j'ai appris la disparition subite de ma mère». Monique qui travaille dans une maison de fabrique à Kandi à environ 600 km de Cotonou apprend l'hospitalisation de son père tout comme Marc au bout d'un coup de fil de sa maman. Aujourd'hui, le téléphone portable a conquis son droit de cité au Bénin. Il y a quelques années, on pouvait compter au bout du doigt les personnes qui utilisent le téléphone portable communément appelés «parmatoire» en raison de sa grosseur et du poids de ses batteries. Plus encombrant qu'un carton à chaussure, il coûtait les yeux de la tête. Seuls les «boss» pouvaient s'en offrir un. Aujourd'hui, plus de 500 mille portables sont en service au Bénin selon les estimations des différents opérateurs Gsm. Près d'un quart de la population béninoise utilise cet outil. Toutes les couches de la société sont abonnées au service de la téléphonie mobile. Jeunes, adultes et vieux utilisent cette merveille de la technologie. Actuellement, on compte presque davantage de portables que de lignes fixes.


    Une aubaine pour le commerce

    La vente d'appareils portables constitue une manne pour de nombreuses petites entreprises. Selon Gérard Kossou, gérant d'une boutique de vente de portables à Cotonou: «le marché du téléphone portable rapporte beaucoup d'argent. Nous faisons des chiffres d'affaires pas du tout mal». En fait, les Béninois dépensent aujourd'hui beaucoup d'argent pour s'acheter un portable que tout autre appareil électroménager, informe-t-il. 7 béninois au moins sur 10 sont abonnés à deux réseaux Gsm sur les quatre opérateurs sur le marché. «En 2004, nos clients à eux seuls sur les nombreux opérateurs que compte le pays ont passé dans l'année, 1,8 millions d'appels depuis leur portable», déclare Mohamed Dembele directeur technique de Télécel Bénin. Au niveau national, le téléphone portable rapporte des milliards chaque année aux compagnies téléphoniques, aux maisons de vente de portables et à l'Etat. Raison de plus pour que les acteurs considèrent le portable comme un ami.

    Une nouvelle langue

    Une bonne partie des millions de messages qui sont échangés entre ces outils ne circulent pas sous forme de parole, mais sous forme écrite. Au lieu de parler dans le combiné, la plupart des utilisateurs, surtout les jeunes, recourent aux Sms (Short Message service). Ce service leur permet, à un coût relativement bas, d'échanger de courts messages écrits et d'économiser leurs unités ou «crédits». Les adeptes du Sms utilisent un langage abrégé fait de combinaison de lettres et de chiffres qui retranscrivent la phonétique des mots. En moyenne, les abonnées de Télécel Bénin échangent 120.000 messages par mois soit 1.515.900 par an. Selon Gilles Chaffa, chargé de marketing à Areeba, les abonnés surtout les jeunes se servent des Sms pour envoyer «des messages amoureux, d'autres l'utilisent pour solliciter des rendez-vous et pour mettre un terme à une relation, d'autres encore pour prendre des nouvelles de leurs amis, parents». Le sociologue Eric Boni craint que l'orthographe et la syntaxe mutilés des Sms ne nuisent à la capacité des jeunes de lire et d'écrire correctement. Un avis que ne partage pas le chercheur Alfred Kpingla qui affirme que la mode des Sms «doit amener les jeunes à s'intéresser à l'écriture».

    Un ennemi moindre
    Si le portable est un outil utile sur le plan relationnel et dans le domaine des affaires, beaucoup de personnes en viennent à le voir non pas comme un ami mais comme un ennemi. «Il y a des gens qui ne peuvent pas se déplacer sans le téléphone portable parce que tenues d'être disponibles pour leurs employeurs ou leurs clients», lâche Véronique, secrétaire particulière d'un directeur de société de la place. Certaines personnes sont presque tout le temps au bout du fil pour recevoir des appels pour les patrons. Elles sont obligées de répondre aux appels quelque soit le lieu ou le travail qu'ils font. A ces désagréments, s'ajoutent les sonneries intempestives de ces appareils. Le Centre national pour la sécurité routière (Cnsr) à travers des spots publicitaires diffusés sur les écrans des nombreuses chaînes de télévisions et des affiches prévient que utiliser le portable au volant est aussi dangereux que conduire sous l'emprise de l'alcool. «L'utilisation de portable au volant devient une des causes d'accidents de la route», affirment Ibrahim Tamou, chef division prévention routière au Cnsr.

    Portables et cancer
    Le portable a-t-il des effets nocifs sur le corps des Béninois ? Les radiofréquences émises par les portables peuvent-ils rendrent malades les utilisateurs et provoquer des cancers ? Non répond Mohamed Dembele. «Aujourd'hui, aucun scientifique n'a démontré que l'utilisation du portable est nuisible à la santé. La poussière de Cotonou est plus nuisible que le mobile», affirme-t-il. Le «New Scientist», une revue scientifique paraissant aux Etats-Unis rapporte quant à lui que: «Malgré les récits alarmistes qui ont couru ces dernières années, la majorité des faits dont nous disposons laisse à penser que l'exposition aux radiofréquences n'a pas d'effet nocif pour la santé. Les études faisant état d'effets néfastes se sont révélées difficiles à reproduire». En attendant d'être fixés sur les effets du portable sur la santé, les scientifiques recommandent une utilisation modérée du téléphone mobile et déconseillent aux enfants de moins de 16 ans d'utiliser le portable en raison des risques sur leur système nerveux en croissance. Le portable exerce une influence manifeste sur la société béninoise notamment sur l'économie et les relations humaines. Comme les autres technologies de l'information et de la communication, il peut être soit un esclave serviable soit un maître exigeant. Cela dépend de l'usage qu'on en fait au jour le jour.

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