• Erosion côtière au Bénin: Djondji déloge ses morts

    Erosion côtière au Bénin

     

    Djondji déloge ses morts

     

    Victimes de l’érosion côtière, les populations de Djondji au Bénin ont, il y a quelques semaines, été contraintes de déloger les dépouilles de leurs défunts parents que les flots menacent d’emporter.

     

    Christophe D. ASSOGBA

     

    Jonché de cocotiers, le village de Djondji dans l’arrondissement de Djègbadji dans la commune de Ouidah, ville historique située à environ quarante kilomètres de Cotonou, la métropole économique du Bénin, est en ruines. Assis  dans un coin, à même le sol, un homme la quarantaine, un chapeau posé sur sa tête, lave à l’aide d’une éponge des ossements qu’il venait de soustraire d’une tombe. A côté de lui, une femme dans la quarantaine aussi, range soigneusement des ossements dans un sac de jute qu’elle venait de sécher au soleil.  Un peu plus loin, un jeune homme récupère de l’eau de mer dans une bassine renflée qu’il porte vers un homme, la cinquante,  assis sur un tronc de cocotier en train de toiletter des ossements d’un défunt. Le travail des uns et des autres est rythmé par les bruits incessants des vagues marines, comme une musique de fond à laquelle se mêlent leurs bavardages absorbés par leurs tâches. Des regards tristes, anxieux, pensifs témoignent de la douleur de leur travail. «La mer a ravagé nos maisons et envahi notre cimetière. Des tombes ont été englouties par les eaux. Moi,  j’ai eu la chance que la tombe de ma mère défunte n’a pas encore été avalée par l’océan. J’ai donc déterré les ossements de la défunte que je suis en train de laver afin de l’enterrer ailleurs», confie Michel Kpanou, pêcheur, le visage triste.

    Michel est loin d’être le seul dans ce cas. La quasi-totalité des familles du village ont été contraintes de déloger leurs défunts afin d’éviter que la mer ne les emportent comme c’est le cas pour certaines tombes déjà englouties. Les habitants récupèrent les squelettes de leurs défunts qu’ils lavent à l’eau et sèchent au soleil avant d’aller les enterrer dans un autre endroit plus en sécurité, loin de la mer. «Vous voyez ici les squelettes de mon feu père mort il y a de cela quinze ans. La mer a failli emporter la tombe. J’ai donc vite récupéré les ossements que je vais enterrer ailleurs», a déclaré Jean Sossavi, pêcheur et cultivateur. «J’ai tout perdu. Ma maison est complètement détruite. De plus, les tombes de mes parents ont été avalées par la mer», renchérit Samuel Mèdjan, pêcheur.

    En effet, les populations de Djondji vivent cette année les moments les plus difficiles de leur existence. Comme pour se venger d’elles, la mer, en colère, s’est déchaînée et l’érosion est en train de ravager le village occasionnant de nombreux dégâts.  Plus de 40 habitations ont été entièrement  détruites au cours du mois de mai 2009. Même le cimetière subit les affres de l’érosion.

     

    «…Nous ne pouvons pas abandonner notre village...»

     

    Situé en bordure de la mer, le village de  Djondji est habité depuis des lustres par des populations de pêcheurs. Menacée par l’érosion côtière, cette localité risque dans quelques années, si rien n’est fait pour freiner l’avancée des eaux, de disparaître de la carte du Bénin comme les quartiers Donatin, Tokplégbé, Finagnon, Akpakpa-Dodomey et Jak à Cotonou, selon une étude publiée en 2007 par l’International Institute for Environment and Economic Development (IIED), un organisme britannique. L’artiste musicien Ebawadé originaire de Djondji a ses parents qui vivent près de la mer depuis plus de cinquante ans. «L’érosion nous menace, confie-t-il. Nous avons envie de partir d’ici mais ne pouvons pas puisque c’est notre village. Nous ne pouvons pas abandonner notre village. C’est notre identité. C’est ici que nos parents nous ont mis au monde, qu’ils ont été enterrés mais malheureusement certains emportés par la mer. C’est ici que nos enfants sont nés. Si nous quittons ici, à quel village allons-nous appartenir ? J’appelle les autorités à notre secours». «Djondji, c’est la terre de nos ancêtres et nous ne pouvons pas quitter ici. La mer était loin de nous quand moi j’étais enfant. Aujourd’hui, elle s’est rapprochée et nous envahie. Il faut que les autorités nous aident à trouver une solution», lance Samuel visiblement dépassé par le désastre. Un appel entendu puisque le président Boni Yayi  s’est rendu à Djondji  le 08 juin 2009 pour constater les dégâts de l’érosion côtière et apporter son soutien aux sinistrés. Selon les explications fournies au président Boni Yayi par les populations,  cette érosion est due à la fermeture de l’embouchure entre le fleuve Mono et l'océan Atlantique située dans ce village. «Si on procède à  l’ouverture de  l’embouchure du fleuve, on aura plus ce problème», a dit l’artiste musicien Ebawadé à Boni Yayi. Selon Gilbert Medjè,  président du Front Uni de lutte contre l’avancée de la mer (FULAM), une association  qui s’est battue pour faire arrêter le prélèvement du sable marin à des fins économiques, on ne doit pas s’arrêter seulement à l’ouverture de l’embouchure du fleuve. «L’ouverture de l’embouchure ne va faire que atténuer ou déplacer le phénomène. Il faut réaliser des épis le long de la côte béninoise depuis Cotonou Est jusqu’à Hilacondji», déclare-t-il. Une solution préconisée aussi par l’IIED face à la menace de l’érosion imputable aux changements climatiques.


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