• Nouveaux programmes d'enseignement au Bénin
     

    Une innovation sclérosante

     
    Former des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines : tel est l'objectif des nouveaux programmes de l'enseignement en vigueur au Bénin. Cette nouvelle pédagogie tant décriée risque de compromettre à la longue l'avenir des enfants béninois.
     

    Christophe D. ASSOGBA

     

    Il est dix heures et quart. La cloche retentit plusieurs fois. La récréation est terminée au complexe scolaire «Le Prométhée» à Parakou sis à 435 km au nord de Cotonou. Les écoliers entrent en classe. Ceux  du Cours Elémentaire niveau 2 (CE2)  dont l'âge varie entre 9 et 11 ans sont assis en petits groupes. «Chaque groupe va nous présenter ses recherches sur l'histoire du quartier», annonce le maître. Tour à tour, un membre de chacun des quatre groupes de cinq élèves se lève et rapporte ce qu'on lui a dit. «Vous avez fait un bon travail mes enfants. C'est très bien. Bravo ! Mais vous avez oublié de donner la signification du nom du quartier où est implanté notre école». Le maître se lance dans une explication complémentaire. Les enfants avaient été envoyés sur le terrain pour interroger leurs parents sur l'histoire du quartier. La semaine suivante, c'est à l'hôpital que les enfants devront se rendre pour recueillir des informations sur le Vih/Sida. L'ouverture de l'école sur la société est l'un des objectifs fondamentaux du nouveau programme de l'enseignement primaire dont l'application est effective dans tous les établissements du Bénin depuis la rentrée scolaire et académique 1999-2000. «Les nouveaux programmes ont pour objectif principal  d'amener l'enfant à être autonome, capable non pas de répéter comme un perroquet mais d'analyser, de discuter et de concevoir», révèle Alley Inoussa, instituteur à Malanville à plus de 600 km au nord de Cotonou. «Dans l'ancien système, la priorité était la connaissance. Le maître était le détenteur du savoir. Il y avait très peu de place pour le dialogue, la contestation. Dans la nouvelle approche, le savoir ne se transmet pas : il se construit. L'enfant est au centre, on part de ce qu'il sait»,  explique François Labé de l'Institut national pour la Formation et la Recherche en Education (Infre).

     

    Elèves chercheurs

     

    Avec la nouvelle réforme qui ouvre l'école sur la société, l'enfant est devenu un potentiel chercheur. Il cherche lui-même la solution aux problèmes. En effet, le maître pose la question, recueille les réponses, corrige les mauvaises et fait la récapitulation. Ce sont les enfants eux-mêmes qui recherchent la solution. Ce sont eux qui construisent leur savoir. Ils se retrouvent dans la position de chercheur et même d'enseignant. Celui-ci, quant à lui est «catalyseur». Il laisse faire. Il observe et corrige les erreurs. «Aujourd'hui, l'accent est mis sur la réflexion. Les élèves sont devenus plus éveillés. Ils posent beaucoup de questions au maître et nous sommes obligés de fouiller pour ne pas nous ridiculiser, nous berner», renchérit son collègue Babio Allassane. Cette réforme généralisée depuis sept ans  a été précédée d'une phase expérimentale dans une trentaine d'écoles à partir de la rentrée scolaire et académique 1994-1995. Les élèves qui ont subi le programme d'expérimentation sont actuellement à l'université. L'un d'eux apprécie. «Quand j'étais au cours primaire, on discutait beaucoup. Le maître nous faisait faire des recherches. On était comme des enseignants. Il n'y a pas cela au collège». Un parent d'élève commente : «la méthodologie utilisée maintenant n'est pas mal. Elle met l'enfant au premier plan. Mais je me pose la question de savoir si on ne demande pas trop aux enfants qui vous embêtent à la maison avec de nombreuses questions». Au delà de tout, cette nouvelle orientation suscite aussi bien des réticences de la part des syndicalistes, des  enseignants que des parents.

     
    «Le niveau des enfants en français baisse»

    Le nouveau programme accorde certes une autonomie à l'enfant dans la conception du savoir. Est-ce une vraie autonomie ? se demande Alley Inoussa. Selon ses explications, le nouveaux programme n'est pas de nature à favoriser le niveau de l'élève béninois. «Le niveau des enfants en français baisse. On ne peut pas mettre en cause les grèves perlées ces dernières années. C'est pour cela qu'on exécute le programme spécial pendant quatre mois. Avec cette méthode ça ne va pas», précis-t-il. «Vraiment avec les  nouveaux  programmes, je n'arrive plus à travailler avec mes enfants. Les exercices sont compliqués et leur explication aux enfants n'est pas facile», se plaint un parent d'élève. Même son de cloche chez une autre parente :  «avant,  c'est moi même qui faisait étude à mes enfants. Mais avec les nouveaux programmes, j'ai due arrêter et prendre un répétiteur parce que je ne comprends pas grande chose. C'est vraiment compliqué pour moi malgré mon niveau d'étude et je demande si les enfants peuvent s'en sortir avec ses matières». Le Secrétaire général adjoint de la Confédération des syndicats des travailleurs du Bénin (Cstb) M. Paul Essè Iko poursuit l'analyse plus loin et va jusqu'à demander la suppression pur et simple du nouveau programme. Une revendication quasiment des centrales syndicales et du Front des trois ordres d'enseignement objet encore de négociation avec le gouvernement. Avec la réforme, beaucoup de choses ont changé. «Aujourd'hui, on dit algorithme en lieu et place d'arithmétique, cahier de synthèse pour cahier de leçon. La science d'observation est remplacée par éducation scientifique et technique. L'éducation civique est substituée à éducation sociale. Le vocabulaire, l'expression écrite, la rédaction, l'orthographe sont fusionnés en français. On amène les enfants à résoudre des problèmes qu'on voyait en classe de quatrième. Au CE2, on parle déjà des inconnus. Tout cela est compliqué», affirme René Assogba, un instituteur qui a évolué dans l'ancien système.

    La réforme est également attaquée sur le plan matériel. Les enseignants se plaignent de l'indisponibilité du matériel pédagogique requis pour réaliser les leçons. Ils donnent l'exemple d'un cours sur les fruits. Il faut apporter différents fruits (mangue, orange citron, pamplemousse, banane, papaye etc.), en classe afin de distinguer ce qui est mûr de ce qui ne l'est pas. Sur quel budget va-t-on acheter ces fruits ? Malgré l'élaboration de nouveaux manuels et des cahiers d'activités avec l'aide de la coopération américaine, le matériel didactique et ludique n'est pas disponible en nombre suffisant. A cause de l'interdiction de la vente au début, les parents sont obligés de les photocopier ou  d'acheter d'autres manuels intermédiaires  sur le marché afin que les enfants puissent lire à la maison. Les effectifs pléthoriques dans les classes rendent aussi très difficiles l'application concrète du nouveau programme et influent sur le rendement des élèves à la fin de l'année. Le programme est conçu  pour une trentaine d'élèves par classe, alors qu'on en dénombre le triple. Les enseignants se plaignent de la multitude de fiches à préparer ( une quarantaine par semaine), et de trop de manuels à lire. «Le maître est contraint à des recherches inouïes. Il se tue pour des miettes. Enseigner de nos jours est difficile», rapporte Victorin Agossou.

     

    «La syllabation est ignorée»

     «Avec l'application controversée de ce nouveau programme, le Bénin n'aura plus sa renommée de Quartier Latin de l'Afrique d'ici à quelques années», indique Alley Inoussa. Selon lui, les enfants n'arrivent pas à lire parce que le syllabaire est écarté. «La syllabation est ignorée», ajoute-t-il. Comment peut-on comprendre une leçon, construire son savoir sans une bonne lecture ? A preuve, les enfants vont au collège avec des lacunes. Ils ont du mal à copier les cours. Les professeurs se plaignent : «les enfants formés sur la base du nouveau programme n'arrivent pas à prendre les cours. Ils écrivent la prononciation et non le français». «Il y a  lieu que l'Etat adapte les nouveaux programmes aux réalités culturelles béninoises. Nous avons fait des recommandations au cours du Forum sur le secteur de l'éducation. Il doit revoir cette orientation pour corriger les dysfonctionnements et surtout les faiblesses et élaborer un programme intermédiaire sans quoi nous sommes en train de sacrifier les enfants», indique  le Secrétaire général de la Cstb, M. Gaston Azoua. Sans une bonne lecture, l'élève ne peut comprendre une discipline et devenir plus tard un acteur du développement de son pays.


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  • Aide publique au développement

     

    Des acteurs de la société civile africaine réfléchissent sur don efficacité

     

    Il se tient depuis le lundi  au Plm Alédjo un séminaire international sur le rôle des organisation de la société civile dans l'amélioration de l'efficacité de l'aide au développement publique.

     

     

    Christophe D. ASSOGBA

     

    La consultation régionale sur le rôle des organisations de la société civile (Osc) dans l'amélioration de l'efficacité de l'aide au développement qui a ouvert ses travaux lundi dernier au Plm Alédjo est une rencontre préparatoire du forum d'Accra en septembre 2008 sur la gestion de l'aide au développement. L'atelier de Cotonou constitue un dialogue entre les organisations de la société civile africaine et les partenaires techniques et financiers afin de réfléchir sur l'amélioration de l'efficacité de l'aide. En fait, les organisations de la société civile n'ont pas eu voix au chapitre dans la déclaration de Paris. Les Ong africaines consciences de leur rôle dans l'amélioration de l'efficacité de l'aide entendent corriger le tir avant la rencontre d'accra. C'est pourquoi des consultations sous régionales ont été engagées sous les auspices de différents réseaux d'Ong dont le Réseau des Plateformes nationales des Osc d'Afrique de l'ouest et du centre (Repaoc)  organisateur des assises de Cotonou en tandem avec le gouvernement béninois et le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) afin de formuler des recommandations. Selon la présidente de Repaoc, la rencontre de Cotonou vise à améliorer la compréhension par les Osc du rôle de la Société civile dans la nouvelle architecture de l'aide et de la Déclaration de Paris. Au nom de l'institution qu'elle dirige, elle a remercié les partenaire et le gouvernement béninois pour leur sollicitude. Le représentant du ministre chargé des Relations avec les Institutions M Juste Guédou a abondé dans le même sens. Selon lui l'aide publique au développement est très important et il faudrait analyser les mauvaises pratiques de sa gestion afin de proposer des solution pour son efficacité  sur les bénéficiaires. Il a invité les participants venus de plusieurs pays de la sous région à mûrir la réflexion afin des travaux sortent des recommandations utiles pour le sommet d'Accra.


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